Partager Posté(e) 12 novembre 2019 (modifié) I. Enfance Ils descendaient le chemin de terre entre les haies. Elle dans sa petite jupe d’un jaune éclatant et son corsage blanc, marchait légèrement devant, juste assez pour qu’il suive du regard le mouvement de ses hanches. Elle se sentait émue lorsqu’ils se retrouvaient. Elle aurait aimé qu’il la prenne dans ses bras et son cœur battait un peu plus vite lorsqu’il l’embrassait sur la joue. Elle aimait bien se retrouver pour les vacances avec le fils du garde-chasse. Ensemble, ils parcouraient les prés et les bois et il lui apprenait à reconnaître les oiseaux, leurs nids, les plantes, les traces d’animaux. Ils avaient construit une cabane en branchages où ils se protégeaient du soleil et des regards des adultes ou de leurs aînés, pour lire ou jouer aux jeux de l’enfance. Il faisait grand soleil en cette fin août et le chemin les menait vers les prés, à la lisière d’un bois, où mûres et framboises abondaient. Ils portaient chacun une grande laitière en aluminium prêtée par les fermiers voisins, pour leur récolte à venir. Lui dans sa chemise légère à manches longues et ses pantalons se chargerait des mûres, elle des framboises. En passant sur un pont de bois aux traverses mal jointes, il se coucha pour observer l’eau claire et aperçut des « traîne-bûches », ces larves d’insecte vivant sur les fonds d’eaux et se protégeant dans un bois creux des attaques des poissons. Il dévala la rive, défit ses chaussures d’été pour s’avancer pieds nus dans la rivière, marchant, bras écartés sur les algues et les pierres, galets polis et rendus glissants par le courant, pour en rapporter quelques-unes dont il remplit une des petites boîtes d’allumettes vides qu’il avait toujours avec lui. « Elles feront de bons appâts pour la pêche » dit-il en montrant sa récolte à son amie qui grimaça légèrement. Le pré en pente descendait vers la rivière où l’on voyait quelques vaches et moutons couchés à l’ombre d’un bosquet à deux pas de l’eau où se désaltérer. Ils allaient d’ailleurs souvent se baigner dans le cours d’eau, gentil ruisseau à l’eau un peu fraîche, où l’on avait partout pied, même lorsque l’eau vous arrivait au cou. Par endroits un semblant d’île leur servait de terrain d’aventures corsaires où ils se livraient à des duels à coups d’épées de bois. À moins qu’ils ne s’y étendent pour laisser le soleil sécher leurs peaux et leurs maillots ruisselants d’eau. À l’orée du bois, des buissons de ronces et de framboisiers sauvages furent soigneusement pillés par les deux gamins. Il leur fallut moins d’une heure pour remplir les deux récipients. Ils s’assirent pour reposer leurs membres griffés par les épines, dont ils comparèrent les traces en riant. Il se leva tout à coup, tirant sa compagne par la main, « Viens, on va attraper des sauterelles ». Pas facile de saisir les insectes avant qu’ils ne sautent d’herbe en herbe. Mais ils avaient la main vive et agile et la seconde boîte fut bientôt remplie. Au début, elle avait hésité et rouvert ses doigts en sentant le chatouillis de l’insecte vibrant contre sa paume. Mais elle voulait lui faire plaisir, alors elle continua la chasse, en grimaçant au début, puis en s’amusant de chacune de ses prises. Les sauterelles, elles aussi, serviraient d’appât pour la pêche. « À la volante pour attraper les truites. On lance derrière la tête du poisson qui se retourne pour happer l’esche, sans voir l’hameçon. », lui avait-il expliqué en expert. La course aux sauterelles, sous la chaleur les amena à l’ombre fraîche d’une haie où ils s’étendirent. Fièrement, il lui montra le « vrai » couteau que venait de lui offrir son père. Rien à voir avec le petit canif qui lui servait à tailler ses crayons d’écoliers. Il s’agissait d’un couteau pliant à plusieurs lames portant également un poinçon et un tire-bouchon, avec un vrai manche en corne gravée. Son père lui avait dit « Tiens, tu es en âge d’avoir ton couteau, ne le perds pas, et garde-le avec toi, il te servira toujours. » Avant de le remettre dans sa poche, il s’approcha d’un sureau dont les ombelles noircies par le soleil feraient bientôt, elles aussi d’excellentes gelées. Il en coupa une jeune branche qu’il évida et tailla une extrémité en biseau dans laquelle il pratiqua une fente, et introduisit un petit bois taillé, transformant la tige de bois en sifflet. Il tendit le petit instrument à son amie qui s’amusa à y souffler plusieurs fois avant de le mettre au-dessus des framboises. Elle l’emporterait ensuite dans ses bagages, souvenir de vacances qui l’aiderait à supporter les moments difficiles dans ses études. Allongés côte à côte, ils jouèrent à interpréter les formes mouvantes des nuages. « Tête de cheval », dit-elle, « tête de chien » opposa-t-il. Dans un même éclat de rire, ils reconnurent la caricature au nez démesurément allongé de la grand-mère de la petite. La jupe jaune découvrait haut ses jambes brunies par l’été. Il avait envie de lui prendre la main, mais il n’osait pas. Comme il n’osait pas regarder le léger coton bleu sous la jupe relevée. À treize ans, il se contentait d’un sourire et d’écouter son cœur battre plus fort dans sa poitrine. Pourtant, elle avait légèrement cambré son buste pour mettre en valeur la pointe naissante de ses petits seins, cachés par son léger soutien-gorge blanc. Mais le corsage restait sagement boutonné jusqu’au ras-du-cou. À treize ans, elle ne savait pas encore tout de la séduction. Mais elle aussi entendait son cœur battre plus fort. L’après-midi s’achevait, ils reprirent leur chemin vers la petite maison de la grand-mère, tout au bout du chemin de terre, entre bois et prés. Mûres et framboises feraient de ces confitures dont la gamine raffolait et dont elle emporterait plusieurs pots dans ses bagages. Ils franchirent le passage contournant la ferme où ils allaient chercher leur lait, les œufs, le beurre. D’ordinaire ils ne manquaient pas de jouer à cache-cache dans les bottes de paille de la grange avec les enfants des fermiers. Ils auraient pu traverser la cour, mais aujourd’hui, ils préféraient rester seuls ensemble. Elle marchait légèrement devant lui, sa courte jupe jaune ondulant au rythme de ses hanches portait des traces vertes laissées par les herbes. Il eut envie de la voir tomber cette jupe, de voir ce que cachait le coton bleu, il garda ses mains dans ses poches et ils traversèrent le petit bois sans qu’il osât même lui prendre la main. Elle avait senti le regard sur elle, avait légèrement ralenti le pas pour qu’il la rejoigne et, peut-être la prenne dans ses bras, l’embrasse sur la joue, mais il était resté en arrière. Il garda longtemps en mémoire cette dernière journée de vacances. Ils repartirent pour reprendre en ville leur vie de sages écoliers. Mais elle ne revint plus courir les prés, les bois et les ruisseaux avec son ami, la grand-mère avait déménagé, trop âgée pour rester seule dans une maison aussi isolée. II. Adolescence Cet après-midi-là, le port somnolait doucement. La lourde chaleur de cette fin d’août raréfiait les promeneurs dans les rues. Touristes et gens d’ici se retrouvaient sur les plages pour de longues baignades rafraîchissantes. Le club de voile préparait les bateaux dans l’attente de la marée montante, les élèves se donnant à fond dans cet exercice destiné à mettre en valeur les exigences de la sécurité dans la navigation. Elle avait remarqué le grand gars dégingandé qui la suivait de loin depuis un moment et s’en amusait intérieurement. Ce n’était pas la première fois qu’un garçon la suivait pour la draguer. Généralement des jeunes gens boutonneux qui se donnaient des allures de Dom Juan et qu’elle faisait marcher en leur laissant croire à une possible relation. Mais ils en étaient pour leurs espérances déçues. Elle s’attarda face à une devanture de mode. Mince, dans sa jupe jaune vif, son chemisier jaune pâle soulignant gentiment les formes discrètes de sa poitrine, ouvert à deux boutons, juste à la naissance des seins, elle le vit s’approcher dans la glace. Timidement il engagea la conversation, banalement « Jolie vitrine n’est-ce pas ? Je suis sûr que cette robe rouge vous irait très bien ». C’était une courte robe d’été à bretelles au décolleté arrondi, faite pour favoriser au maximum le bronzage. Il continua par le temps, le soleil qui favorise les plaisirs des vacances, la chaleur qui invite à la plage. Elle restait un peu en retrait devant le manque d’originalité de son approche, mais il y avait un petit quelque chose dans sa voix, dans son allure qui lui plaisait. Elle répondit gentiment par d’autres banalités. Ils marchaient côte à côte. Il offrit les glaces. Elle allait retrouver ses parents et ses amis pour la baignade, le bronzage, les jeux. Elle n’était pas pressée, elle se lassait un peu des séances de bronzage idiot pile-face-pile, des jeux de balle, des sauts dans les vagues, elle avait envie d’autres distractions et une promenade dans les rues de la ville lui convenait parfaitement. Lui n’était attendu par personne, ses copains se remettaient difficilement de leur nuit en boîte et ne sortiraient qu’avec la fraîcheur du soir. Quant à la plage, il évitait de s’y exposer au plus fort de la chaleur, il irait dans la soirée lorsque la foule des estivants serait allée rejoindre les tables de l’apéritif. Il aurait alors de larges bandes de sable à sa disposition, libres de tout parasol, de toutes serviettes et profiterait d’une eau plus agréable pour s’y baigner. Ils flânèrent, regardant les façades des rues, les bateaux du port, la gare maritime où accostait parfois un bateau de croisière dont les ponts dominaient largement le bâtiment de briques rouges et jaunes. Tout en s’attardant dans un square, auprès des bassins et des jeux, ils découvrirent qu’ils habitaient loin d’ici, mais à une centaine de kilomètres l’un de l’autre. Suffisamment proche malgré tout lorsque l’on disposait d’un véhicule. Mais aucun des deux n’avait cette chance. Elle, à dix-sept ans, n’avait pas encore son permis de conduire. Lui à dix-neuf, n’avait pas eu l’argent pour le passer. Mais il se déplaçait sur une petite moto et il restait le train. Timidement, il lui prit la main. Ils montèrent en direction du fort dominant la rade. Ils délaissèrent la rampe des voitures pour l’escalier étroit, raide, aux marches inégales mais ombragé par les ramures débordant pardessus les murs des jardins. Les premières prunes se laissaient cueillir, ils s’y rafraîchirent. Appuyés au parapet leurs regards plongeaient dans le parc, vers le port, la plage, le lointain. L’Amérique, tout au bout. Il passa son bras autour de sa taille. Elle le laissa faire et se serra un peu contre lui. Ils ne révèrent pas aventure au large, évasion, grands voyages, seul le charme de leur balade importait à leurs yeux. La mer était calme avec juste ce qu’il fallait de houle et de vent pour que les voiliers évoluent avec élégance dans l’attente de l’ouverture du chenal d’accès au bassin de plaisance. À l’horizon la silhouette d’un pétrolier s’approcha. Ils redescendirent vers la basse ville. Ils passèrent devant un cinéma, mais le film présenté ne les intéressa pas, et de plus il était trop long pour que l’absence de la petite passe inaperçue auprès de ceux qui l’attendaient. Ils restèrent un moment sous le hall à regarder les photos, il l’embrassa sur la tempe, elle se sentit rougir. Son hôtel était proche, mais il ne voulait pas brusquer les choses, préférant lui laisser le temps d’en avoir vraiment l’envie. Ils continuèrent leur promenade. Le port de nouveau. La mer était encore basse, les petits bateaux jusqu’alors posés sur la vase dans la partie ouverte à la marée se redressaient et commençaient à flotter. Au-dessus, derrière l’écluse, le bassin en eau berçait doucement les grandes embarcations et les petits chalutiers de pêcheurs, les catamarans et les bateaux de croisières dont les haubans cliquetaient sous le vent. Elle sentit sa main sur sa peau nue, posée sur sa hanche sous le chemisier qui était légèrement sorti de la jupe pendant la marche et ressentit une sensation de plaisir à ce contact doux et chaud. Il n’osa pas de caresses plus tendres, bien que sa main remontât légèrement vers la poitrine s’arrêtant à la base du soutien-gorge à fronces en tissu souple et léger du maillot de bain qu’elle portait déjà avant leur rencontre sur le chemin de la plage ; ses doigts frôlèrent le galbe du sein avant de se reposer sagement sur la hanche dont il sentait le mouvement sous sa main. Il se sentit troublé. Elle se tourna face à lui pour un furtif premier baiser. Il la serra dans ses bras, un porche voisin leur offrit son ombre pour un autre baiser, plus long, moins chaste accompagné par des mains courant légères et vives sur la peau nue et frissonnante, sous la jupe. Une sensation toute neuve pour la jeune fille qui ressentit une envie nouvelle la saisir doucement au contact du garçon. Elle se laissait aller, sa tête sur son épaule à la douceur de ses caresses, se serrant plus fort contre lui, elle sentit son désir. « Viens, lui souffla-t-il ». Ils reprirent leur chemin, étroitement enlacés. Mais arrivés devant l’hôtel : — Viens, ma chambre est au second et j’ai une jolie vue sur la mer. C’était un bâtiment des années folles, genre de pâtisserie rose bonbon, décorée de fleurs en relief stylisées perdant beaucoup de leurs pétales, comme une allégorie aux amants venus y effeuiller la marguerite. — Si tu veux, mais je ne peux pas rester longtemps, mes parents m’attendent sur la plage et il est déjà tard. Ils prirent un ascenseur vieillot, une étroite cage en bois vernis fermée par une grille en métal, et poussive. Ils se serrèrent l’un contre l’autre le temps de la montée. Il ouvrit et ils pénétrèrent dans une chambre au papier peint suranné, à motifs floraux. Le lit découvert donnait face à la fenêtre avec une vue sur la mer et les bateaux, « imprenable », comme lui avait dit l’hôtelier à son arrivée. Elle alla sur le balcon et admira la vue. La lumière dessinait la silhouette de ses formes sous sa robe légère. Il lui prit la taille pour l’embrasser. Elle se laissa guider vers le lit. Assis, il recommença ses caresses, de plus en plus précises. Il l’allongea, tout en relevant sa jupe. — Arrête, qu’est-ce que tu fais ? — Tu le vois bien, je relève ta jupe, avant de te déshabiller. J’en envie de te voir nue, c’est plus joli pour te faire l’amour. — Non ! Pas çà ! Pas maintenant ! Je ne peux pas. Excuse-moi. Je t’ai dis que je ne peux pas rester longtemps. Et puis, on ne se connaît pas beaucoup ; je ne sais pas si nous nous reverrons. Je ne voudrais pas être seulement la fille d’un soir d’été. Tu sais, pour moi ce serait la première fois et j’ai un peu peur. J’ai besoin de temps. Viens, raccompagnes-moi jusqu’à la plage s’il te plaît, il est temps, mes parents vont s’inquiéter. Il lui dit gentiment C’est dommage, mais je comprends. Même si je pense que tu n’aurais pas du me laisser faire pour arrêter là. Ce n’est pas grave. Viens, je te raccompagne. Tu m’as dis que c’était pour voir la vue, pas pour çà. — Comme si tu ne savais pas que la vue n’était qu’un prétexte ! Non, je te croyais sincère. Mais si c’était uniquement pour m’attirer dans ton lit, je suis déçue. J’en suis désolé pour toi. Mais je pensais que tu en avais envie aussi. Je me suis trompé, je comprends, je te l’ai dis. Intérieurement il sentit une sourde colère monter en lui. Ils marchaient d’un pas vif, enlacés, mais déjà distants. De retour près de la plage, elle se dégagea, doucement, préférant ne pas être vue afin de ne pas susciter de questions embarrassantes de ses amis ou de ses parents. Il demanda : — On se revoit demain ? — Si tu veux, mais ce sera court, demain je repars en fin d’après-midi avec mes parents, après la plage. Tu reviendras dans ma chambre ? Tu sais bien que non, mais on pourrait se promener comme aujourd’hui. — Ce soir alors, on pourrait aller au cinéma ou en boîte ? — Ce n’est pas possible, mes parents voudraient venir avec moi et je n’ai pas envie qu’ils me surveillent. On ne pourrait pas s’embrasser. Et tu voudrais encore m’entraîner dans ta chambre ou ailleurs. Tu viendras me voir ? Il promit, mais ils surent qu’il n’en ferait rien. Trop compliqué pour u flirt de fin de vacances. Et puis, il ne souhaitait pas encore donner un prolongement trop sérieux à leur rencontre. Elle vivrait sa première expérience avec un camarade de lycée qui saurait la mettre en confiance. Elle reverrait fugacement le visage de ce garçon rencontré sur le port, mais ne le rencontrerait pas l’été suivant. Il regarda la petite jupe jaune s’éloigner sur la plage. Elle s’arrêta près d’un groupe de garçons et filles qui l’embrassèrent. La jupe jaune glissa le long des jambes, pour découvrir l’étroit bikini blanc et bleu. Le corsage dévoila le haut du maillot de bain. Elle le fit tomber sur la serviette, découvrant deux jolis seins bronzés et la jeune fille courut vers la mer, se retournant un instant pour apercevoir la silhouette sur le quai qui l’observait, s’offrant à demi nue au regard de ce garçon dont elle ne savait rien, sauf qu’ils ne reverraient sans doute jamais. Il repartit vers la ville. Ses vacances aussi se terminaient et ce n’était pas sa première rencontre de l’été. Il avait d’ailleurs rendez-vous avec l’une d’elles le soir même, lorsqu’elle sortirait de son travail. Ils iraient au cinéma, puis en boîte, puis à son hôtel. En attendant, il s’arrêta devant un écailler, acheta quelques huîtres qu’il ouvrit dans sa chambre avec son couteau. III. Adulte « C’est horrible ! » Le policier se pencha. La jeune femme avait été sauvagement agressée. Son vélo couché dans le fossé du chemin forestier paraissait intact. Son corsage et ses sous-vêtements déchirés, sa jupe relevée jusqu’au-dessus de la taille, les lacérations sur sa poitrine, sans doute occasionnées par l’agresseur lorsqu’il avait voulu couper le soutien-gorge au couteau, tout mettait en évidence la violence du viol et du meurtre. Il fit recouvrir le corps d’une couverture de survie. La petite station balnéaire n’avait jamais connu un fait divers aussi dramatique et le petit monde des vacanciers était en émoi. * La jeune touriste était partie pour une promenade au début de la soirée. « À la fraîche, on est beaucoup mieux pour faire du vélo. Je fais juste un tour dans la pinède, je serai de retour pour dîner. » Elle venait de franchir la côte et de s’engager dans le chemin sous les pins. Il y avait une légère rampe et, au sommet un virage pour s’enfoncer dans la forêt. Elle vit le marcheur et s’apprêtait à le croiser. Il avançait avec nonchalance, un appareil photo en bandoulière. Il avait aperçu la cycliste. Sa jupe jaune et son t-shirt rouge carmin. La jupe se relevait haut à chaque pédalée et il entrevit le tissu blanc entre les jambes. Le t-shirt, humide de transpiration, moulait la poitrine. Il salua la jeune femme. Elle fit un écart et glissa dans le léger fossé bordant le chemin. Il se précipita pour l’aider à se relever. La jupe jaune ne couvrait plus grand-chose des jambes de la jeune femme. Il posa sa main en haut de la cuisse. Elle le gifla. « Aidez-moi, mais n’en profitez pas ». Il s’excusa, « Pardon, la tentation était trop forte. Je m’excuse. » « Désolée pour la gifle, mais je ne supporte pas ce genre de privauté ; elle est partie toute seule. » Ils s’assirent côte à côte. « J’allais m’arrêter pour faire une pause. J’aime la vue d’ici. La mer se devine plus qu’elle ne se voit en bas de ces dunes et avec le soleil couchant elle prend des couleurs qui défient la palette. » Ils parlèrent sensations artistiques. Elle de peinture, lui de photo et de poésie. Leur approche était semblable, faite de sensations, d’émotions, de coups de cœur. Elle pratiquait l’aquarelle. Elle aimait ces créations rapides, toutes de sensibilité, de légèreté, de transparences où le pinceau n’autorise aucun repentir. Elle avait toujours dans les sacoches de son vélo papier, pinceaux, couleurs, palette et une bouteille d’eau prêts à être utilisés si la vue et l’éclairage du moment la séduisaient et devaient se transposer d’urgence en une nouvelle œuvre. Il aimait le jeu des éclairages et des contre-jours et cadrait les reflets du soleil sur la mer, la demi-ombre des sous-bois, les branches aux formes étranges, les paysages de campagne où l’on devine à la végétation de ses rives la présence d’un ruisseau… Il composait des poèmes qu’il illustrait de ses photos ou les mettait parfois en musique. Compositions faites d’émotions, de violence, ou de jeux sur les mots, les rythmes, sentiments. Il en tira un de sa mémoire, inspiré un jour par l’une de ses amies de passage. Une éphémère rencontre d’un lointain été passé dont il ne se souvenait plus qu’à peine. La fille en question n’a d’ailleurs jamais su être à l’origine du poème. Baigneuse Des lèvres, au goût de mer et d’algues, Dents luisantes de nacres emperlées, Paupières aux cils longs, peau salée, Vénus, naissant des flots, émerge de la vague Des cheveux ruisselants de soleil fondu, Plaqués sur des épaules brunes Des pieds foulant le sable des dunes Vénus sortant des flots, s’avance à pas menus Recoiffant de la main sa chevelure de jais Elle rit au soleil, à la mer, à la vie ; Elle court et sa course dansante irradie De bonheur, d’amour, le ciel qui n’en peut mais Allongée sur la plage, de l’Astre cueillant les flèches Ses paupières se ferment et ses lèvres s’entrouvrent, Accueillant le baiser d’un Phoebus qu’énamourent Les formes harmonieuses de son corps qui se sèche. La jeune femme apprécia gentiment, l’encourageant à en écrire d’autres. « J’aime beaucoup. J’aimerais lire les autres, tu me les enverras, je les illustrerai. Je connais un éditeur que cela intéressera, j’en suis certaine. » Le soleil déclinait et disparaissait presque à l’horizon. Il enveloppa ses épaules de son bras, la pencha vers lui. Elle se laissa embrasser. Lui rendit son baiser. « Je ne devrais pas, dit-elle doucement, je suis mariée. Mais tu es si doux, si tentant… » Elle l’embrassa de nouveau, longuement. La main glissa légèrement sous la jupe, se fit caressante tout en la renversant lentement. Il souleva le T-shirt et dégagea les seins de leurs bonnets pour les embrasser. Sous sa main les cuisses s’écartèrent légèrement pour qu’il puisse mieux en caresser la douceur. Ses lèvres suivaient les globes à la pointe tendue, elle passa ses doigts dans ses cheveux, appuyant légèrement sa tête contre ses seins. Elle le sentit dur contre son bas-ventre. De son doigt, il écarta le tissu de satin blanc, mais lorsqu’il se fit plus pressant elle se dégagea brusquement. « Non ! Il est trop tard ! Mon mari m’attend et je dois préparer nos bagages pour partir demain. » « Mais pourquoi m’as-tu laissé faire jusque-là ? » « Pardonnes-moi, tu es un agréable compagnon. Et tu m’as joliment séduite. Dommage que je ne t’ai pas rencontré plus tôt, nous aurions pu avoir des vacances très douces, mais il est trop tard ce soir pour commencer une telle relation. Je te l’ai dit, je suis mariée et nous repartons demain » Elle avait rabattu le T-Shirt après avoir vivement remis en place le soutien-gorge. Il insista et l’allongea de nouveau, glissant une jambe entre les siennes. Il l’embrassa, elle lui rendit son baiser, longuement, il se replaça pour s’introduire en elle, mais elle se dégagea une nouvelle fois. « Écoutes, sois raisonnable, je comprends ta frustration, je le suis moi aussi, mais c’est impossible ce soir. Je n’ai pas envie d’un petit coup à la sauvette, je veux avoir le temps de t’apprécier, de t’aimer vraiment. J’ai envie de toi, j’aime tes mains sur moi, tu as pu le constater, mais ce soir, là comme ça, ce serait gâcher notre rencontre. Donnes-nous un peu de temps, écris-moi, envoie-moi tes poèmes, nous nous reverrons, je viendrai te voir chez-toi, l’éditeur dont je t’ai parlé exerce près de chez-toi, nous aurons toute la nuit à nous, et même un peu plus si tu le souhaites, je tiens déjà beaucoup à toi. Sois gentil et comprends-moi. Je dois rentrer maintenant. Allez, aide-moi à me relever. » Elle tendit son bras. « Non ! Tu ne peux pas, il ne fallait pas me laisser faire. » Et soudain furieux, il la plaqua au sol. — Arrête, tu me fais mal ! Un tourbillon de courtes jupes jaunes sur des cuisses bronzées dans la tête, un voile rouge devant les yeux, il ne contrôlait plus ses gestes et frappa violemment la jeune femme qui tenta de se débattre, mais sans savoir comment, il lui asséna un coup de poing qui la rendit groggy. Sortant son couteau de sa poche, le couteau de son enfance et dont il ne pouvait se séparer, il lacéra jupe jaune, t-shirt rouge carmin, sous-vêtements blancs et peau bronzée. Ensuite il fit ce qu’il désirait tant. Ce n’était pas le plaisir qui la rendait gémissante et lorsqu’il se retira, elle ne bougeait plus, une large blessure à la base du sein gauche laissait s’échapper un large filet de sang le long de son flanc. Il ne fallut pas longtemps pour procéder à l’arrestation. Le gardien du camp de mobile-homes voisin avait vu rentrer le type complètement agité, des taches de sang sur ses vêtements. Lorsque les policiers lui demandèrent les raisons de son acte, il ne cessait de répéter « jupes jaunes… Jamais… Jupes jaunes… Toujours trop tard… ». Selon le psychiatre il faisait une fixation malsaine sur la couleur jaune, mais il n’en sut jamais la raison. Comment aurait-il pu comprendre ? Deux petites aventures innocentes datant d’une vingtaine d’années, que lui-même pensait avoir oubliées, n’entrent pas dans les cases ni les codes. Modifié 12 novembre 2019 par Julien Ertveld Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites Plus d'options de partage...
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