Cœur de nuit

[Jean Luc]

Ce soir la riche étoile nous regarde et nous jette un charme, nous émerveillant, tandis que l'ima-ginaire creuse dans le noir...

Alors que le spectacle de la fonte du jour s'achève dans un ciel sans fond, presque sans vie..., la véloce pipistrelle siffle et tournaille follement autour du cerisier aux fruits mûrs, le lièvre repose près de l'eau mystique, et le hérisson fouineur aux pattes de velours se manifeste dans la masse d'herbe.

Lorsque les branches des arbres s'accrochent à la nuit, comme par magie, des froissements retentissent. Dans une mer de feuillages brassés par le vent, on brise des perles, lorsque l'ultime rayon d'un soir, côté cour, revivifie la plume délavée d'un vieux chat-huant. Mais le spectacle se déroule aussi sous les globes de feu du grand boulevard, où un hercule promeneur et une jeune vierge à la soif d'amour inassouvie, se promènent bras dessus, bras dessous.

Maintenant je m'endors, et puis des astres errants du ciel de papier noir déchiré, les poulies d'agate descendent des rêves au creux de mon esprit. Et un grand théâtre aérien aux décors articulés — où des comédiens et des comédiennes se meuvent quand se lève le rideau de l'imaginaire — a jeté son ancre recouverte de fluorines bleues, ou roses ou pourpres, au coeur des rameaux d'or du taillis.

Sous les frises exiguës et les lustres galonnés à l'haleine brûlante, on chante sur une musique savante depuis le sommet de la grande tour montant dans les cieux, jusqu'à la clôture de l'ancienne fonderie à la porte monumentale. Ô les anémones blotties au pied du vieil hangar centenaires sur les poutres massives desquelles des myriades de chandelles pleurent des larmes incandescentes !

— Le matin agitait des bijoux dorés et me réveillait collé contre le noyer.