Partager Posté(e) 20 septembre 2019 La terre ne tourne plus rond le compas a perdu son crayon ne reste que la pointe de l'épée les mots se dispersent les lèvres gercent où est le cercle l'ortographe fout l'camp on la flagelle, on la textote, c'est vrai qu'on gagne du temps pour parler avec ses potes mais c'est dommage ses lettres de noblesse disparaissent et la ponctuation s'évapore moi, j'aimais bien « je viens te chercher, Princesse » plutôt que tumeplé en SMS ils font des remaniements de drôles de raccourcis et dans la pâtée de Fido j'ai trouvé des mots en copeaux ils se sont mis à aboyer j'ai perdu le tempo ils ont trafiqué le dico bientôt la vilaine fotedortograf n'en sera plus une les règles de grand-mère sont loin derrière avec la conjugaison dans leurs combinaisons de nylon pour les rombières de soie pour les banquières, elles m'emmenaient dans leurs jupons avec leurs papis russes et leurs histoires d'un autre ton J'étais la boutiquière du coin d'la rue Apollinaire j'vendais des poèmes, des tas de souvenirs et l'almanach Vermot mes vieux dictionnaires avaient vécu et les érotiques ne plaisaient plus J'ai mis la clé sous la porte-plume bouquiniste c'est désuet comme l'odeur des encriers ; ma tête sur l'enclume j'ai regardé mes bourreaux ils s'envoyaient des signaux en bougeant tous leurs doigts sur des cadrans électroniques après le dernier mot, en abrégé comme il se doit, sur un clavier psychédélique ils parlaient une langue que je ne connaissais pas. Je fus graciée, grâce à cela. Ma boutique est morte je vends des chocolats pour m'acheter un pas-de-porte ma chandelle, n'en parlons pas, la plume du sergent major est chez ma tante cette année les clous ont rouillé sur ta tombe il y a un hortensia le temps continue son œuvre il n'y a nul endroit dans le monde où la paix me pénètre autant, la terre redevient ronde et je retrouve mon crayon Demain, j'irai faire mon marché, comme si de rien n'était comme si les mots étaient restés ici, à cet endroit, où, au fond, peu importe l'orthographe puisque on se parle encore, comme autrefois dans les patois et puis j'arrêterai d'écrire parce que je ne saurai plus tous les mots pour le dire auront disparu. Ce soir, moi, la boutiquière du coin d'la rue Apollinaire qui vendais des poèmes, et l'almanach Vermot je suis rentrée chez moi avec un spleen gros comme ça je n'ai pas su que faire je n'avais plus de mots je pleurais mes dictionnaires et mes almanachs Vermot alors est arrivé Apollinaire avec une bande de rigolos on a passé la soirée sur la mer sur un joli paquebot je n'ai plus jamais rien écrit après ça je n'aurais su le dire en abrégé. (J.E sept 2019) 3 Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites Plus d'options de partage...
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