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Lettre à Marianne


Joailes

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On a pris rendez-vous

au restaurant thaïlandais

à vingt-heures trente

je suis arrivée à vingt heures

très essoufflée

faut la monter la pente

mon maquillage avait coulé

j'ai voulu me refaire une beauté

mais les waters étaient closés

et ça sentait l'urine

je m'suis retrouvée dans les cuisines

ça sentait le coco

et la citronnelle

-au moins pas de moustiques -

un côté exotique

le curry

courait partout

le curé était bourré

les employés avaient des tics

je n'ai jamais vu autant de riz

malgré mon nom de famille

encore j'en ris

j'aime rire en grains de riz

 

les cuisiniers armés

faisaient du rab

sur leurs congés payés

cuisine de rue

ça pue

 

je me suis faufilée

parmi les bassines de soja

les crevettes

à l'âge indéterminé

ô ce parfum de galanga

desespéré !

 

Quand j'ai vu arriver le gars

je n'ai pu m'empêcher de rire

il était vingt heures vingt-neuf

je suis sortie par une porte

que j'ai dérobée

il y a longtemps de cela

dans un vrai palais thaïlandais

et que j'ai toujours sur moi

heureusement

j'écris en marchant

pour ne pas oublier

des fois je me cogne

ça me met en rogne

 

règle n°1 : ne pas envoyer la photo de profil de Brad Pitt - on s'aperçoit bien, après, qu'elle était très floue -

règle n°2 : éviter les restaurants thaïlandais quand on est sur la côte d'Azur

règle n°3 : faire un minimum d'efforts sur sa tenue - la salopette pleine de cambouis passe mal -

règle n°4 : quand on a une biture, on évite la friture.

 

Je posterai ça demain sur ce site de rencontres où tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil.

 

Heureusement, je ne perds pas de temps

j'écris en rentrant

ces rendez-vous sont une manne !

 

Je t'écris, Marianne

toi qui m'a dit un jour

"tu écris comme un pied."

 

Bon pied, bon œil !

Salut, Marianne.

Tu t'ennuies toujours autant ?

 

Je t'imagine dans ton tailleur charnel

et tes talons aiguilles

tu t'es moquée de ma ruelle

mais je te renvoie la bille

 

c'est sûr on ne risque pas de se rencontrer

sur les Champs Élysées

c'est toi qui a mal aux pieds.

Toi, tu dis que tu vis

Moi, j'écris …

 

Bon, j'espère t'avoir fait sourire

ta bouche en a besoin

ce que j'ai vu de pire

c'est autour de toi tous ces pingouins.

 

Je t'embrasse, Marianne.

Comme un pied.

T'avais raison je suis nulle

mais si bien dans ma bulle !

 

(J.E. Petites histoires ordinaires – août 2019)

 

 

Modifié par Joailes
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