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Rumeur de Tchaï


Frédéric Cogno

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Te voilà presque nue saveur nommée Ondine

Et les sylphes du soir affolent mes narines...

Adret de sang mêlé comme un bois qu'on égorge,

Je respire un enclos ôtant ton soutien-gorge

Où un liseré frais de fraise et de myrtille,

S'égaillant pour les faons m'envoûte les papilles.

 

Toi, fruit calomnieux! La nuit la plus farouche,

La plus volage aussi, se tromperait de couche,

Car fardée de zéphyr, si elle a ton corsage,

Ton musc impétueux, tes retouches d'orage,

Elle n'ose défier tes intimes audaces:

Tes seins que j'égrappe dans les vapeurs tenaces!

 

Effluve brune, dis, la nuit sans ton essence

Ne serait pas la nuit, rien qu'un zeste d'enfance

Aux grands traits éperdus cherchant cet autre goût

Sur l'esquif d'un été au cœur d'un doux frou-frou.

La nuit s'est bien penchée sur ta poitrine -effraie,

C'est elle qui grima ce poudroiement d’œufs frais,

Et la halle aux oiseaux, les pépiements sucrés,

Que je viens maintenant de mes mains dénicher,

Et laper et sucer les tétons nectarines,

Puis mordre pour goûter tout le jus grenadine.

 

Je te lèche enivré d'un lait pour les chevreaux

Qui conviendrait aussi aux ardeurs des lionceaux.

Laitance ou élixir, le goût et le parfum

S'unissent grâce à toi dans un élan commun.

 

Et tu n'en finis plus mon odorante brune,

Turbulence tu es, danseuse sous la lune.

Quand ton chignon plus noir qu'un vieil hibou en chasse

S'active et se débat, s'envole pour la valse,

Se déversant soudain dans un halo sublime,

Tes cheveux m'arrosent d'un parfum anonyme.

 

Est-ce le vent marin qui du large aux récifs

S'éprend d'un bleu lagon près d'un volcan actif?

Est-ce dame jungle qui s'époumone en fleurs?

L'agonie d'un cygne sur un lac enjôleur?

Et si c'était juillet dans les prairies coquines?

La sueur des faucheurs? Un jet de capeline?

 

Si je sais les saisons, un printemps, un été,

J'ignore le voyage où je suis emporté;

Le nez dans un marais me perdrai-je ivre mort?

Ou m'as-tu enlisé dans la saignée d'un port?

Dans les nues, à tâtons, je confonds les reliefs

Les endroits et les cieux de cet étrange fief.

 

Je surprends des couleurs aux échardes de pulpe,

Des râles souterrains dans le secret des bulbes;

Un terroir, un couvent, m'infusant l'oraison

D'une orangeraie prise entre cent tourbillons!

Ô chimère et chouchou! Tes cheveux en écluse,

Algues donatrices dans la baie des méduses,

M'ouvrent un large seuil, un indicible exode,

Vers l'horizon d'opium, les cracheurs d'antipodes!

 

Tes cheveux consacrés, la nuit vient confiseuse

Me coller ton baiser, tes lèvres liquoreuses...

Je m'abandonne aux sucs toujours plus galopins.

Un verger m'envahit, m'invite à son butin,

La sarriette gémit sur un lit de cerises,

Le raisin s'anoblit au bec des perdrix grises.

 

Quelques pralines nues follement s'en reviennent

D'un souk tumultueux, d'un couloir de Cayenne;

Les plaies s'ouvrent soudain, se referment vanille,

Une sève jaillit au grand dam des charmilles,

La musique s'équeute aux notes plus confites

Plongée dans l'indigo des morsures subites.

 

Ô frise des bleuets! Flûte-moi ta saveur!

La brise dans les blés n'aura pas ta douceur!

Dans les coulées de mûres endigue- moi encore,

Dans la fièvre des vins embrasse-moi plus fort!

J'ai envie de racler ton palais jusqu'à sang

Pour puiser ce nectar qui se veut plus troublant,

Qui me dira enfin m'enflammant dans tes sens,

Ce que j'étais pour toi bien avant ma naissance.

 

Et je me gaufre à toi après mes baisers fous,

Ton corps mouillé d'ondées se fige en aigre-doux.

Je parcours titubant des pinèdes en feu,

Des garrigues châtrées sur éboulis juteux...

Une odeur de ragoût, une aubade d'épices,

En mon âme garnie dénudent mes délices.

 

Dans un coin pigeonnant, un muguet se dandine,

Tiens, des grains de moka, la théière de Médine

Sur ta peau s'inscrivant dans un désert aride.

Ô steppes dorsales aux senteurs apatrides!

Ça sort des bivouacs, des camps de réfugiés,

D'un foutre de fennec, d'un lit de chamelier.

 

Je m'arrête un instant, les mirages m'incisent...

Loin des dunes, là-bas, chancèle une oasis...

 

Cette touffe voilée imbibée de saint-Chrême

Devient intimement chatière des harems.

Je remonte à tes reins, apeuré mais conquis,

Ton bas ventre se fend, l'ananas en furie

Explose en un parfum insolent, odieux,

Et dans l'air raréfié il m'empale d'un pieu

Plus sucré que jamais aux clameurs exotiques,

Le sang sur les sagaies n'a rien de plus épique!

 

Et la nuit m'avertit de sa vieille rancune,

Ton nombril si joli, ce chevet de Neptune

Commence à se mouvoir, annonce un océan

Peuplé d'arômes bleus...Elle en rêvait souvent,

Qui faisait de son mieux, exhalant son langage,

Un lexique de nuit ayant tous les suffrages,

Qui fit la Voie Lactée pour des nez plus savants

Perçant son balluchon de poudre et de safran.

Ces niches de pollen  dans le ciel le plus pur,

Tombés aux quatre coins en panières d'azur,

Ne suffiront jamais, ne satisferont pas,

Mon itinéraire que je sens pas à pas,

Tes jardins que j'arbore en chasseur de vertiges,

Ton âme hors saison que je tiens par la tige.

 

Voilà pourquoi la nuit, jalousement exquise,

Te peaufine meurtrie de caresses soumises,

Bonne élève d'ubac, te sachant sa maîtresse,

Un arôme d'amour qui invente l'ivresse.

 

Ivresse gracile quand j'aperçois ce voile.

La moiteur défendue vient de mieller tes poils.

Magie et mystère d'un silence captif!

L'oasis se souvient des jardins du Calife...

Un miracle, soudain! Un frisson de hulotte

Rompt avec les harems, t'enlève la culotte!

 

Des maillons de serpents se lovent à l'affût,

Impassible engouement de te voir toute nue!

Pâturages, sources, descente des troupeaux,

Quel beau radeau d'airelles au départ des ruisseaux!

Ce petit linge noir finit sa transhumance

Lentement à tes pieds qui ont foulé immenses,

Des prairies et des champs, des contrées sauvageonnes,

Sans jamais piétiner les frelots qui bourdonnent!

 

Qui n'a jamais rêvé randonnée plus suave?

Dans un trèfle, couché, je deviens une épave

Patiemment naufragé dans l'odeur du fraîchin;

Je songe à l'océan qui m'absout d'un crachin.

Ton sexe aux flots brisants enlacé d'un typhon,

Remue dans tes fosses les filets des grands fonds.

Des harengs, des homards, des merlans, des murènes,

Lugubres tourbillons! Tes désirs fous te drainent!

La tempête nous prend. Ô lames vaginales!

Étreintes d'Atlantis! Ô noces des grands squales!

Ainsi tu t'agites tandis que mon mât coule,

Ainsi je m'enfonce dans l'hérésie des houles!

Sur un banc de corail, j'ai fait fièvre à tribord,

La mangrove s'émeut, des vaguelettes d'or,

Me sauvent d'un parfum au goût imprononçable...

 

Et voilà qu'orpailleur échoué sur ton sable,

De verts palétuviers m'avouent d'autres arômes:

Des fientes d'oiseaux bleus  dans un mouchoir de rhum,

Du cacao pilé au pilon des bambous,

Du bon lait de coco pour les crèmes vaudous,

Des fleurs de goémon dans des écrins d'eau douce,

Une orchidée s'endort sur des restants de gousse...

 

La force me manque pour capturer ces cris,

Un coquillage s'ouvre à l'heure où tu jouis.

La perle d'orgasme toute endeuillée de nacre

De ta bouche est sortie me préparant au sacre.

Ô bave de ressac! Chœur d'écume enragé!

Oh! viens que j'éclabousse entre tes noirs rochers!

 

Et la vague se meurt, et la mer se retire,

Une plage, un linceul, je n'en peux plus d'écrire

Sur le sable ton nom et celui de la mort,

Le plus grand des parfums quand c'est toi qui l'honore!....

 

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