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il reste de l'encre pour écrire les souvenirs ...


Joailes

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Quand j’ai vu grand-mère apparaître, au coin du chemin, si belle dans sa robe fleurie, j’ai eu du mal à comprendre le fauteuil roulant.

Grand-mère a enterré sa fille, il y a longtemps, mais elle n’en a jamais hurlé.

Moi non plus. J'ai tu, caché, enterré. 

 

J’ai regardé son sourire, ses longues mains diaphanes, toutes les fleurs des quatre saisons virevoltant autour de sa robe et je me suis jetée dans ses bras.

 

Son parfum venu de la nuit des temps, je l’ai aspiré tant que j’ai pu, ô Dieu, comme j’avais envie de pleurer ! Ma gorge était tellement serrée qu’elle me faisait penser aux épingles de son chignon.

 

C’était une douleur profonde, à aller cueillir au ras des pâquerettes,  mais comme une joie.

 

Grand-mère a absorbé toutes nos émotions, elle m’a prise dans ses bras et même si je savais que c’était la dernière fois, mes yeux ont souri dans ses yeux de brume.

Elle a chuchoté, simplement :

« Je t’aime. »

On était ainsi, chez nous.

 

On ne parlait pas. Il y avait tous ces moments de silence.

Et puis une apothéose soudaine de tous les sentiments refoulés comme pour les dire autrement.

 Et on mourait, apaisé.

Le fauteuil roulant, resté vide, se transformait en carrosse ; il y avait des fées, des princesses et puis ... l’oubli venait sur certaines choses et les souvenirs, si doux, si roses, venaient accompagner aux dernières demeures.

Et alors, on avait moins mal.

On clignait un peu des yeux, entre ombres et lumières. 

Il restait toujours des fleurs, comme sur les vans, comme dans les champs, sur les chemises des chanteurs, dans la voix des amoureux,  dans les cheveux de grand-mère, sur le sourire de ma mère,  les yeux de grand-père reflétés dans ceux de mon père, et ces airs de vainqueurs d' adolescents de moins de seize ans.

Quand j’ai vu grand-mère disparaître, à l'autre bout du chemin, si belle dans sa robe fleurie, j’ai compris le fauteuil roulant. 

(J.E. petites histoires ordinaires – juillet 2019)

 

Modifié par Joailes
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