Partager Posté(e) 27 juin 2019 Un bédouin, vers le Nord, Mit le cap un matin. À la bouche un refrain, Il marchait sans remords. Il rêvait de la mer, Des vagues écumeuses, Des profondeurs rieuses. Fi de l’ardent désert ! Il avait traversé Sables, monts et vallées. Il voulait tant fouler Le continent bercé Par l’aquilon, de jour Comme de nuit, été Comme hiver. Majesté Des lumineuses tours ! L’homme du Sahara, Dans son très long voyage, Sans grand bruit ni tapage, Allait cahin-caha Son train avec sa bête, Un vieux dromadaire. Lorsque parut la mer Moutonnant, il eut cette Sensation délicieuse Qui s’empare du corps Et fait frémir encore Les cordes si soyeuses De la harpe du cœur. Bien loin sa vie de pâtre Dans le désert jaunâtre Où rares sont les fleurs ! Il s’arrêta au port, Fit embarquer sa bête, Marquée par la disette. Le vent soufflait très fort. Du ciel bleu des rapaces Dévalaient vers les flots. Des longs mâts des vaisseaux Était strié l’espace. Sur le pont du bateau L’animal à la bosse, Qui n’était point féroce, Fixait sans piper mot L’horizon bleu azur, Piqueté de points noirs. De l’eau bleue le miroir Reflétait le ciel pur. La bête du bédouin, Ce vieux dromadaire, Avait peur de la mer Qui s’étendait au loin. Il se mit à hurler, De rage trépignait. Le bédouin essayait Alors de l’amadouer. La foule sur le pont, Médusée, regardait La bête qui criait, En proie à ses démons. Le désert lui manquait, Les dunes, le soleil Aux doux rayons vermeils, L’ombre des palmeraies. L’animal du désert Blatère de plus belle, Veut se faire la belle ! Ceint par l’immense mer, Sur sa prison flottante, Il ne sait pas quoi faire, Le pauvre dromadaire ! Mais une idée le hante : Se jeter dans l’abîme, Sauver ainsi son âme, De son maître au grand dam. Une énième victime Des furieuses houles ! Échappant à son maître, L’animal alla paître Dans la mer qui déroule Son champ d’onde assassine. La bête disparut Dans l’herbe bleue touffue Où poussent des épines. L’homme, perdant la tête, Plongea, tout habillé, Dans la mer agitée, Pour secourir la bête. Les eaux se refermèrent Sur lui. Il rejoignit, Au fond des bleues prairies, L’animal téméraire. Colporté par le vent, Le beau chant des sirènes Pousse vers la géhenne De malheureux migrants. Très loin de leurs demeures, Terrassés par le glaive De l’ailleurs dont ils rêvent, Combien de jeunes meurent ! L’ailleurs reste couvert De tant d’incertitudes, Porteuses d’inquiétudes Que l’on prédit l’enfer À celui qui s’exile Au Pays des Mirages. Il faut se montrer sage Et rester dans son île. Il n’y a rien de pire Que de quitter le lieu Où l’on est si heureux, De grandir, de vieillir Au milieu des siens, Avec qui on partage La soupe et le potage, Et presque tous les biens. La mort ou la mer Bleue ? Je préfère la vie Dans mon mas en torchis, Où le noir est radieux. 3 Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites Plus d'options de partage...
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