Partager Posté(e) 22 juin 2019 (modifié) Une femme hors d'âge, le visage écharpé, Observe sur le pas de sa porte Protégée du grain par une marquise rouillée, La jeune femme sous cette pluie d'eau forte. — Mon enfant..., qu'elle murmure. Tout brille dans cette maisonnée : Le bois, les cuivres qui recouvrent les murs. Mais c'est trop propre, et surtout arrangé. — Mon enfant... Les gouttes tintinnabulent sur les carreaux. — Entrez-vous sécher en attendant, Dit celle qu'on croirait tireuse de tarot. Insensible déplacement, Quelques centimètres aléatoires, La femme, se rapprochant, Invite son hôte à s'asseoir. L'ancienne pose légèrement les mains Sur la nuque gracile de la jeune femme. La pluie feule sans fin, Et son esprit sans flamme. Le regard bienveillant de la vieille, Ses gestes terriblement maternels, Sa voix sirupeuse de miel Tissent dans ce cœur tendre une fine dentelle. Paule tout au réconfort D'une vague d'exquise tendresse Quand sa mère vivait encore Dans le temps délicat que tout blesse. L'ancêtre s'écarte peu, Elle répète tout bas Sans la quitter des yeux : — Mon enfant, qu'elle répète tout bas. Paule hoquette un sursaut. Hors la cuisine, un ange a passé Du café bien chaud. On lui demande de se sucrer. Paule se sent épiée. — Mon enfant... je pense... Sur une phrase en pointillés, La sorcière a rompu le silence. Par petites gorgées, Paule boit son café amer. L'ectoplasme féminin va et vient et la frôle en passant, La main parsemée de fleurs de cimetière Avec cette douceur, sa paume la caressant. Les doigts cotonneux attirent la tête de Paule, Paralysée. La jeune femme sent l'odeur de vieux chat Et la patte suavement arthritique d'un félin déclinant sur l'épaule. Dans la pièce, la quiétude religieuse d'une pietà. Elle jurerait que l'engeance bat sa coulpe. Une pression légère comme l'étreinte molle, Écœurante du poulpe. L'angoisse saisit Paule quand son âme s'affole. Une angoisse fulgurante l'a sidérée Mutant en une question insupportable, Gluante, visqueuse. Respirer, ne pas mourir étouffée. Non ! Elle doit se libérer de cette goule affable. Ne pas mourir asphyxiée Dans ce cloaque sucré et infect. Elle s'arrache à ce corps que la vie a vicié, Au regard tristement souriant et familier du spectre. Dehors, elle retrouve sa place, un dôme nuageux délité. Le soleil joue à cache-cache avec les éclats blancs. Paule, une fatigue énorme, dessus, lui est tombée, L'impression d'avoir cent ans. Non, pour sûr, ce n'était pas sa mère. Modifié 23 juin 2019 par Marc Hiver Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites Plus d'options de partage...
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