Partager Posté(e) 30 avril 2019 une vie de journées entières dans la poussière des livres, comme des bateaux ivres, à regarder en l'air le long des échelles, à caresser les couvertures prometteuses aux parfums de cuir et de terres promises, évadé de la vie grise il est heureux, le bibliothécaire, cet imbécile ! il vit dans sa tête, quand il traverse le boulevard il regarde les fenêtres les géraniums, les iris bâtards les vieux volets écaillés ne sont jamais fermés sur ses yeux écarquillés il regarde toujours en l'air où des ombres vivent derrière des rideaux de tulle il caresse une femme des yeux aller-retour elle est belle, si belle, diaphane et il l'aime de tout son cœur de bibliothécaire. Il en parle sans cesse à son supérieur il dit que c'est son épouse il la décrit comme il la voit, vante ses charmes d'andalouse sa robe rouge et son parfum musqué, ses volcans de Santa Cruz. Le supérieur, en haut de l'échelle, est vert de jalousie, lui qui n'a rien, en rentrant chez lui, qu'un bouquin qui l'ennuie. La journée est finie pour l'inférieur il fait encore beau sur le boulevard et les vitres étincellent il est content Elle est là, elle l'attend. Il la voit qui agite vers lui ses longs cils et ses beaux cheveux noirs. Il fait chauffer ses petits pois mange un peu de compote et déguste ce visage tourné vers lui à chaque fois... Bien du temps a passé le bibliothécaire est vieux, il ne peut plus lever la tête alors il la baisse et sur le carrelage qui étincelle Elle est là avec sa robe rouge. C'est son andalouse, sa jalouse sa compagne solitaire Il sait tout d'Elle de ses mystères cachés derrière ses jalousies. Une vie de journées entières dans la poussière ô ces échelles vertigineuses et toutes ces autres vies enfermées dans les livres à travers d'épaisses couvertures et son plus beau souvenir sa femme, son épouse, son andalouse dans sa belle robe rouge. Il était temps de remonter à l'étage ... Quand les lumières se sont éteintes, il la serrait toujours entre ses bras sa secrète, sa compagne et son sourire était pour Elle. Le supérieur, en haut de l'échelle descendit pour l'enterrement et n'a pas compris quand il a appris que le bibliothécaire était célibataire. L'ennui gagna le supérieur, amoureux transi de la femme rêvée du bibliothécaire. Il passa le reste de sa vie à La chercher et descendit l'échelle jusqu'aux septièmes sous-sols … Un matin, comme ça, presque résigné, il passa devant des rideaux de tulle légers comme des bulles gardant jalousement les volets écaillés, tous ces rubans rouges autour de rêves flottants ectoplasmes sans renom ... cette chevelure noire ces cils palpitants cette caresse ô et ce parfum de musc … il reconnut l'endroit et il La vit. Le bibliothécaire n'avait pas menti ! (J.E. Avril 2019) Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites Plus d'options de partage...
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