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Décalage


Joailes

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J'open mon apache, mon office writer,

le clavier me livre ses secrets

mes plumes ont rejoint le musée

des poètes solitaires.

 

Les yeux écarquillés devant ces fonctions insoupçonnées

j'envoie à la corbeille à tout-va,

avec une souris qui clique gauche, qui clique droit,

carbone a sombré dans un tripot

écrasé par le copié-collé à gogo

quant à l'ancêtre, le papier calque,

il a des descendants plus rigolos

sur choppe-photo

tout est couru d'avance.

 

Un soir de spleen avant les vacances

j'ai renvoyé au nez de l'automne,

toutes ces feuilles mortes

et ces papiers dépassés

dans le brûle-papiers. 

 

Incinérateur enclenché, en êtes-vous sûr …

Encore une chance de faire demi-tour.

La sauvegarde a échoué.

 

J'ai un correcteur autographique

qui me donne des coliques,

la ponctuation automatique,

discrète, vigilante, s'envole comme un symbole

comme une colchique

au milieu d'un poème, comme dans un pré.

 

 

J'open la télé : un match de tennis.

J'ouvre la fenêtre sur des parfums de rues

les pizzaïoli sur le terrain ont fait fortune

les sushi-man ont parsemé leurs épices,

les kébab-man en ont rajouté

 

ah, il y a un concert, mais de qui ?

De personne, mais de tout le monde.

 

Concert anonyme dans une bulle de quartier.

Ou peut-être un match de foot pour hurler.

 

Je zappe, j'avance, je recule,

je réduis mon office writer,

j'enfile des chaussons ridicules

pour glisser sur le parquet,

je dis « qui est-ce » ? sans espoir

et j'enfile mes boules Quiès dans le noir.

Puis je retourne sur le clavier.

 

Je youtube un peu, je m'hypnotise de clips,

je réponds à du courrier, en slip

 

il pleut, vas voir

la lumière est dehors,

me souffle une petite voix.

écran, clavier : hors de ce corps !

 

j'éteins les fenêtres

et ferme la télé.

 

Je micro-onde quelques souvenirs

pour les ramollir

je vérifie les boutons on-off

je branche le téléphone,

je mange une gaufre électrique,

je robotise le repas de demain,

je régularise quelques détails

mes cheveux frisent

j'ai l'appareil qui lisse,

l'application pour l'esquisse

d'un kiss

mon tablier s'est lavé, séché

que de temps de gagné !

 

Fatiguée, je déploie mon escabeau

sous la lucarne

je déballe mes cadeaux

je vois la lune et quelques étoiles.

 

Pour voir plus haut, sur ce trépied d'infortune,

je dois m'élancer

et ne pas perdre confiance en l'escabeau

qui fait le beau

en buvant du petit lait sous la voie lactée.

 

Le spectacle m'a médusée.

J'étais sur un radeau.

Vertigineux ! Virtuose ! Pas virtuel.

 

J'ai baissé les yeux

j'ai re-open mon apache, mon office writer

les doigts me démangeaient

 

je travaille à ciel ouvert

sous la lucarne

je puise l'énergie

dans ses bras ouverts

 

le compte à rebours a commencé.

J'écris grâce au générateur.

On … Off … selon l'orage

quel décalage !

(J.E. Avril 2019)

 

Modifié par Joailes
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