Partager Posté(e) 21 avril 2019 C'était au bord d'un lac, je me souviens des clapotis d'avril et des premières hirondelles téméraires. Je somnolais en attendant les truites, guetté par les mites dans mes oripeaux de vieux pêcheur. Elle est arrivée, comme ça, avec une petite nappe blanche à carreaux rouges, un saucisson et un gros sac de chips dans ses bras. Une princesse moderne née dans le désert d'un bord de lac désert. Elle m'a demandé, l'air de rien, « as-tu de l'eau ? » Je l'ai regardée bêtement sans l'entendre, de l'eau, disait-elle, de l'eau ? Elle en avait la voix, elle en avait la lumière. Elle était l'eau ! Je fus pris dans les plis de sa jupe bleue, dans les ondes dorées de ses longs cheveux. J'ai essayé d'avoir des mots pour avoir l'air moins idiot. J'étais venu pêcher, je n'avais qu'une musette, des vers et quelques hameçons. Il me restait quelques leurres, pour ne serait-ce qu'une heure avec Elle. Elle avait ce parfum de caprice d'avril. J'en oubliai les poissons, fussent des truites … et me perdis dans ses yeux vairons. Pour un seul carreau de sa petite nappe blanche à carreaux rouges, une demi- rondelle de saucisson et le quart d'une de ses chips, j'étais prêt à lui offrir le lac, le cœur en vrac. C'est ce que j'ai fait. Elle s'est lassée, très vite. Le lac était trop petit, mon cœur pas assez grand. Je ne savais même pas dessiner l'eau. Elle écoutait Schubert, elle avait l'air triste J'ai rangé mon attirail. Je suis devenu fan des truites que me pêchait Schubert, au travers du regard d'Elle on a vécu ainsi de chips et de saucisson d'eau fraîche, Elle s'est recroquevillée dans ma musette sa petite nappe à carreaux rouges pliée où il restait quelques miettes avec deux petits elfes qui tenaient ses poignets J'ai commandé un coucher de soleil, pour la garder encore un peu. Je n'osais plus bouger, de peur de la casser. Elle avait toujours soif. Las des promesses des avrils suivants, j'ai fini mon saucisson, mes chips j'ai plié proprement mon grand mouchoir à carreaux rouges, et puis je l'ai lancé aussi loin que j'ai pu … tempête de sable en pleins tourbillons sous les ponts, ce souvenir d'Elle qui m'avait dit « as-tu de l'eau » au bord d'un lac m'est revenu Un parfum éphémère, m'a ramené des caprices d'avril et ce coucher de soleil où, encore, brillent quelques miettes d'Elle sur des notes de Schubert. Cette fois-ci, je n'ai plus rien et j'ai tout un éclair dans le sable sur du béton jaune. Et Elle. (J.E. Avril 2019) 2 Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites Plus d'options de partage...
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