Partager Posté(e) 12 avril 2019 Je venais de faire éditer -publier - à mes frais bien sûr - un petit recueil de poèmes. Il venait d'arriver, jeté négligemment par quelque préposé au fond de cette boîte aux lettres verte qui n'a pas plus d'âme que le container jaune du mercredi Je le contemplai avec un sourire béat, le recueil, pas la boîte aux lettres verte, ni même le préposé ; la larme à l’œil tellement j'étais émue je venais de me casser deux ongles en ouvrant l'emballage et puis voilà, après cette souffrance, il était là … je l'ai reniflé dans son nouvel habit j'hésitais à tourner ces pages qui ne m'appartenaient déjà plus, où mes brouillons, haillons, en habits de Cendrillon, devenaient des contes de fées Comme figés dans l'instant, Ils sont arrivés Mon grand-père fait des photos du village où mon enfance s'est posée et il va chez l'imprimeur en ville, il reviendra avec des cartons de cartes postales posées sur ces dents de fer devant le restaurant, demain, son noir et blanc brillera dans le soleil, pour juste un sou Il y a son nom sur la carte, pas sur le sou, et j'en suis très fière. Mon père écrit des textes humoristiques dans quelques canards, peut-être au parc Borély, et il dessine, peut-être, au jardin du Luxembourg Il peint, maintenant, en dehors de ses heures de travail ces dimanches incompris, où il pleut , à vingt ans on a envie de courir au lieu de regarder son père mourir. Il y a son nom sur la fontaine d'incompréhension, fifty-fifty, donnant-donnant je ne puis que lui demander pardon Souvent, ils sont là , le soir, sous la lampe ; je les regarde, et nos yeux se fuient et puis se croisent nous nous sommes enfin compris on s'est dit je t'aime autrement Sur la terre, je reviens. Enfin, ce pauvre petit recueil sorti de mon ventre, que vais-je lui donner quelques voyages ici ou là, allez vas-y, mon cœur embrasse grand-père et papa Je me serais contentée d'un simple imprimeur. J'ai demandé conseil à grand-père. Il était mort de rire ! Il m'a dit tu parles encore de moi ? Occupe-toi de toi ! J'ai eu un peu honte, j'ai pris mon courage à deux mains mais du coup je ne pouvais plus écrire et puis j'ai fait des pieds et des mains. J'y ai laissé des plumes et même des encriers. Du temps perdu aussi, à la recherche de l'odeur de leurs gâteaux. Les maisons d'édition sont inaccessibles, indéchiffrables, impitoyables. Je me trouvais confrontée à des choses techniques, des choses réelles, des histoires à dormir debout. J'avais déjà fait éditer (quelles sont toutes ces différences : éditer, publier, imprimer ..? moi qui aime tant les mots, je me perds dans ceux-là) deux recueils de poèmes ... j'en ai commandé un certain nombre et les ai offerts gracieusement autour de moi. Je ne me suis nullement occupée de leur distribution, j'étais fière seulement d'avoir entre mes mains un petit clin d’œil à grand-père, un à papa, parce que sur la couverture, il y avait le nom qu'ils m'ont donné … je me suis rendormie. Je me croyais quitte j'ai baissé les bras. Mais le parfum de leurs pas m'a encore entraînée, alors j'ai continué voici mon petit troisième grand-père, papa … c'est mieux ? Grand-père pleurait et dans les yeux de papa j'ai vu une lueur d'admiration. Je n'ai pas pu m'en empêcher cette fois-ci je les ai attachés tous les deux au ciel de mon lit Sous la lampe, grand-père faisait des photos et papa riait, on avait le même âge, enfin. Grand-mère est arrivée, très théâtrale, maman, plus effacée, a ouvert le bal . Alors, je me suis avancée, en leur tendant à chacun mon tout petit recueil. (J.E. avril 2019) 1 Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites Plus d'options de partage...
Messages recommandés