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A mon amie Monique (2)


Joailes

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Je venais de rentrer, plutôt fatiguée et avec une envie viscérale de me doucher, puis de m'affaler face à la mer, avec un cocktail glacé bleu.

Une plage de sable fin, quelques cocotiers, par ci- par là ...

Infini ... Inouï ...

Ne plus penser à rien. 

Fermer les yeux et voir ce qu'il y a derrière les paupières closes,

ça commence par du rouge et après, l'arc en ciel !

Rêver ... 

Faire tinter les glaçons avec bonheur, juste pour leur joli petit son de flûte ...

Imbiber mes lèvres de ce jus de mangue absolument fabuleux.

La soirée s'annonçait bien dans cette douceur précoce d'avril et l'hibiscus avait fleuri.

Lorsque soudain le téléphone a retenti !

Flûte !

J'ai dû m'extirper sans joie, et avec difficulté, du transat où je commençais à peine à ronronner, moustaches au vent.

(à partir d'une certaine heure, je deviens très chatte ... )

On manque d'imagination dans ces cas là, aussi je lâchai un "allô" benêt.

J'avais envie de faire "miaou" mais je n'ai pas osé.

Punaise, le clou !  

Je reconnus la voix aiguë de Monique !

Que me voulait-elle ? 

 

Je ne tardai pas à le savoir.

 

Son Charles Edouard avait pris la fuite en faisant connaissance avec sa future belle-mère.

(Pensez : la réplique exacte de Monique, mais avec 30 ans de bêtise en plus.)

Pas facile à gérer, je le comprenais un peu.

La mer à boire, d'accord ! 

Mais la belle-mère à avaler ... 

 

Donc, Monique était seule et s'ennuyait à mourir.

Elle avait plein de ragots à faire partager coûte que coûte avec la compagnie des casse-croûtes !

Elle voulait une compagnie, elle n'avait pas le moral.

"Allez, me dit-elle, larmoyante, viens, on va faire la fête toutes les deux, tu me donneras quelques conseils …"

Déjà, je suis anti-conseil, moi.

C'est plutôt son rôle à elle, de tout régenter, de solutionner des problèmes là où il n'y en a pas, mais bon.

Ensuite, comme je rentrais à peine d'une journée plutôt éreintante, même si elle m'avait alléchée avec un bœuf en daube, (je savais qu'il viendrait de chez le traiteur du coin, qu'il serait gras et n'aurait rien à voir avec celui de ma grand-mère …) je me sentais incapable d'un gros effort.

A cet instant de l'histoire, sachez que j'avais autant envie d'y aller que d'aller au dernier meeting politique à Pantin. 

Dieu m'est témoin : j'essayai de refuser par quelques prétextes idiots, dans le style : 

"oh je n'ai pas envie de bouger, je suis déshabillée, je me suis déchaussée, je dois donner à manger à mon hamster à heures fixes, j'attends la marée, j'ai un sandwich sur le feu" …

... mais je me rends compte à présent que j'aurais dû être ferme, que j'aurais dû employer les

grands moyens et  lui dire que j'avais attrapé la rougeole. 

Malheur ! Monique avec la rougeole !!

Elle veut bien être infantile, mais pas à ce point !

Elle en serait morte, rouge de confusion !

 

En même temps, je savais qu'elle avait besoin de moi et que si je n'y allais pas, elle risquait de se pointer dans les dix minutes.

Bref. Me voilà partie avec ma tenue de scout et les deux doigts en l'air.

Ce fut pire que tout ce que j'avais imaginé.

 

D'abord, elle qui comptait si bien les euros, avait oublié de compter les apéros qu'elle

avait ingurgités ; aussi je la trouvai surexcitée, les yeux brillants mais pas lumineux.

Sa voix suraiguë me vrilla les tympans et je regrettai de ne pas avoir emporté un gros tube d'aspirine, plus les quatre caisses de boules Quiès que j'avais récupérées récemment dans un foyer pour sourds muets, qui avait mis la clé sous la porte à reconnaissance vocale.

 

Elle était drapée dans une de ces robes improbables qu'elle n'avait pas dû trouver chez Emmaüs, dans laquelle elle s'empêtra rapidement, après avoir insisté pour me montrer son nouveau coupé sport rouge vif qu'elle avait garé au milieu d'un bouquet d'arbustes que je soupçonnai ne pas avoir été conçu, au départ, pour être le garage ... 

"Venons-en au fait, " lui dis-je pour écourter.

Rien à faire.

Elle ne se souvenait plus pourquoi elle m'avait appelée.

Une bouteille de vodka d'un vide affligeant trônait sur la table en cristal de roche.

 

Elle est plutôt gentille, Monique, mais alors pourquoi cette envie presque irrépressible

de l'étrangler m'est-elle venue ?

J'ai dû prendre sur moi.

J'ai réuni tous mes chakras …. 

J'ai essayé de la raisonner, de lui rappeler qu'une bonne nuit de sommeil, en général, éclaircit bien l'esprit ; tout en tentant de l'attirer vers son lit à baldaquins d'un goût exquis .

Je me rendis compte à cet instant qu'elle ne me voyait pas, ni ne m'entendait ... 

Au sommet de son incohérence, elle alternait avec un débit - qu'au passage, je salue, car c'est une performance, quand même - d'environ 400 tours minutes, et de courtes pauses de léthargie qui la faisaient ressembler à une grosse mouche, durant lesquelles elle me semblait prostrée.

Comment me sortir de ce guet-apens  ?

J'aurais pu mettre le feu à la maison, et appeler les pompiers, jeter de l'encre rouge dans la piscine et appeler la police, pincer la queue du roquet toiletté et hors de prix, au risque de me faire mordre mais en espérant qu'un voisin, excédé par les aboiements intempestifs vienne me tirer de là, ou hurler plus fort qu'elle en lui administrant quelques soufflets, en espérant qu'elle se taise enfin …

J'en étais arrivée là, je rêvais d'appeler un ami.

Vous comprenez que les idées s'embrouillent, en pareille situation ?

Enfin … Toute chose a une fin ! 

 

C'est ce bon vieux Charles Edouard qui a eu le (malheur) bonheur de sonner à la grille …

Cet homme très sympathique, vraiment, (comment l'avoir comparé à un crocodile, j'ai honte …

mais c'est à cause de ses vêtements qui accostent)

Un brave type !

En voyant sa tête, à travers les barreaux, je me suis dit qu'il venait probablement de s'échapper d'une cellule pour proxénètes, mais je n'en ai eu cure ... 

 J'ai mis moins d'un dixième de seconde à lui ouvrir ...

Record !

J'ai attrapé mes jambes à mon cou et, politesse oblige, je lui ai dit que j'étais contente de le voir et que je lui souhaitais une bonne soirée. 

2ème record !

En deux minutes, trois dixièmes de secondes, je suis rentrée dans ma cabane, me suis calfeutrée, j'ai coupé le téléphone, j'ai envoyé ma tenue de scout valser ailleurs.

Et je me suis mise au lit, en position fœtale.

Ce soir, je ne suis plus là pour personne. 

Demain, je n'achèterai pas le journal. 

Je ne connais pas les réactions du crocodile  ni même celles de Monique. Et puis d'abord c'est qui, le crocodile ?  

Veux pas savoir.

Non, demain, je n'achèterai pas le journal. 

(J.E. Petites histoires ordinaires - )

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