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Fête au village


Joailes

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Ce soir, c'est fête au village.

Notre  vieil Honoré, gendarme depuis la nuit des temps de par son arrière-grand père et toute la clique de son arbre généalogique, prenait sa retraite.

Un événement dans un petit village où les distractions, comme disent les jeunes, manquent.

La salle des fêtes brillait de mille feux et le vin coulait à flots.

Les vieux étaient dedans, avec leur habit de cérémonie. 

Ils avaient tous emmené leurs souvenirs pour les semer une dernière fois.

 

Chaque jour à la même heure, quand le soleil se fait câlin, les vieux rejoignent leur banc sur la place où tout est passé. 

Ce sont les vieux lézards du village, si beaux avec leurs visages parcheminés, leur canne dressée en avant comme pour montrer un chemin qu'ils ne trouvent plus.

Ils marmonnent entre leurs quelques dents, eux seuls se comprennent dans leur dernier soleil, dans un patois disparu. 

 

Comme ça, tout doucement, leurs histoires s'en sont allées ; il en restera peut-être quelques paillettes dans les légendes.

Leurs âmes s'envolent au-dessus du  banc encore tout chaud.

Un nouveau printemps s'annonce.

 

Les jeunes pétaradent avec leurs motos, s'impatientent sans même savoir pourquoi, la musique boum-boum emplit la place, le restaurant de Ninette a fermé ses fourneaux, odorants de bœuf en daube et de gnocchis ; le jeu de boules est un parking, l'épicerie de Léa comme la caverne d'Ali Baba,  à part les pierres, qui s'en souvient ?

 

Aujourd'hui ça sent la pizza, le steak gras et les frites.

Les jeunes font des soirées d'enfer qui se répercutent dans les montagnes, provoquant des avalanches.

Les vieux ont vu la police et les pompiers pour la première fois de leur vie sur la place et ils n'ont rien compris.

Le silence a fui ou ce n'est plus le même. 

 

Les vieux n'entendent plus la voix des troupeaux, les cloches leur manquent et

les chemins où ils allaient yeux fermés ont disparu.  

La sueur de leurs pères n'avait plus d'odeur.

C'est alors qu'ils ont rejoint un autre monde.

 

Du coup, Honoré a pris sa retraite endormi sur le vieux banc avec tous ses copains.

Il faut dire qu'ils avaient pris une bonne cuite à la salle des fêtes !

Ils ont chanté toute la nuit sur la place où même la fontaine vieille d'un siècle avait cessé de pleurer.

 

Les jeunes étaient couchés.

 

On n'a plus vu de vieux sur la place, ni de lézards, ni de cette herbe folle qui fouettait

autrefois les mollets et ces abeilles qui ne piquaient jamais, et le clocher s'est tu, l'église a fermé sa lourde porte pleine de mystères. 

 

Il y avait des voitures bizarres sur la place, comme on en voit à la télé.

Le village était en train de mourir ou de renaître, ils n'auraient su le dire. 

Le même soir, Honoré a pris sa retraite dans la salle des fêtes.

Son dos était voûté et ses yeux éteints. 

Il a traversé la place pour rentrer mourir chez lui. 

 

Un jour, j'y suis retournée, 

J'ai respiré à pleins poumons l'odeur des vieilles ruelles.

J'ai marché longtemps, jusqu'à l'épuisement.

 

Ah, vous savez … Honoré, c'était mon ami.

On s'est connus un soir de printemps au son de l'accordéon.

Il m'avait chuchoté des mots à l'oreille …

De toute ma vie, je n'en ai jamais entendu de pareils.

 

C'est au cimetière que je l'ai retrouvé.

Les vieux m'avaient attendue, les jeunes sont arrivés.

 

Quelle fête , ce soir là dans la bonne odeur de confits … des générations !

 

En face des montagnes, en plein dégel, nous, les vieux, on a vu le printemps arriver.

 

Les jeunes ont vu les hivers s'en aller …

 

Je crois qu'ils ont planté des primevères au pied de nos cyprès …

 

Honoré m'a pris la main et je l'ai suivi.

On s'est tous retrouvés sur la place d'un village, sur un vieux banc engourdi de soleil.

La maison était là, avec nos vieux.

Nos rires gouttaient encore aux fontaines ... 

Je crois qu'on flottait dans le ciel.

(J.E. petites histoires ordinaires) 

 

 

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