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Mémoires d'orchidée


Joailes

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Belles, acidulées, adulées au fond d'une serre, nous survivions, nos racines entremêlées.

Nous nous serrions les coudes.

Nos couleurs merveilleuses et nos manières de reines avaient conquis les plus petits comme les plus grands.

Notre beauté un peu mystérieuse aux parfums de tropiques était conservée sous globe,

ils disaient qu'ils avaient reproduit au mieux la température de notre milieu.

 

On avait envie de s'enfuir, de retourner dans nos îles …

Mais nous n'avions pas d'ailes, nous étions peu téméraires et fragiles.

 

A côté des immenses serres où les hommes pensaient avoir reproduit le ventre de nos mères, il y avait les cages des aras.

 

Eux aussi avaient des couleurs merveilleuses et en plus ils pouvaient parler.

Ils ne manquaient pas de dire qu'ils en avaient assez d'être derrière des barreaux alors qu'ils pourraient survoler toute l'Amérique tropicale, se nourrir eux-mêmes, trouver dans la brise la femelle qu'ils aimeraient, choisir l'endroit où se poser et vivre.

Bien sûr, personne ne les écoutait.

Il y avait pourtant beaucoup de visiteurs, venus nous regarder à peu de frais pour avoir l'impression d'avoir voyagé dans un de ces pays où ils n'iront jamais et d'où on nous a exilés.

Ils riaient, faisaient de grands gestes avec des appareils bizarres qui nous faisaient peur.

On était tous tristes, on avait le mal du pays.

 

Un soir d'été où les nuits sont sans fin, c'est un singe excédé d'un zoo à côté, qui a ouvert toutes les portes, en silence.

Les perroquets se sont tus.

Les tortues se sont mises à courir avec une gazelle et nous, on a eu beaucoup de mal au début, mais nos racines se sont emmêlées comme des bras et des jambes solidaires et on s'est élevées bien haut dans le ciel.

Quel merveilleux voyage sur cet arche !

 

Chacun a rejoint son nid.

 

Le lendemain, dans les journaux, Ils ont parlé d'un incendie.

Ils avaient perdu leur latin et à l'emplacement du vivarium, du terrarium, du solarium, il ne restait plus qu'un terrain vague.

S'ils avaient levé les yeux aux ciel, ils auraient vu un grand feu d'artifice aux couleurs d'aras et d'orchidées.

Mais les hommes ne regardent pas plus haut que leur nombril.

 

D'aucuns ont dit que la planète était au seuil de l'agonie, que c'était la fin de certaines espèces, d'autres ont cherché des solutions d'urgence. 

 

Ils s'accusent les uns les autres, ne savent plus dessiner des orchidées, ni des tortues, ni des gazelles, ni des aras, pas même un singe.

 

Nous, on fait la fête, dans la forêt tropicale, tous les soirs on se raconte des histoires.

Le jeudi, notre singe sauveur vient faire ses pitreries en savourant ses noix de cocos.

On danse, on chante, on s'alanguit ... 

L'homme, Dieu merci, ne vient jamais par ici. 

(J.E – Petites histoires ordinaires)

(photo personnelle)

SAM_8236.JPG

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