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Lurs


Papy Adgio

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Un soir que je suivais un long troupeau en route vers sa misère, je frappais à une timide lumière qui vacillait à travers la poussière.

 

Une voix sourde m’ordonna de franchir le seuil.

 

J’entrai chez Monsieur Jean.

 

Un taiseux était assis à la table. Il comptait et recomptait des graines qu’il sortait d’un profond sac de tissu. Il voulait repeupler le monde alors que d’autres le lacéraient de larges veines de fumure humaine.

 

C’était il y a longtemps.

 

Le taiseux gît aujourd’hui dans le cimetière de Banon. Monsieur Jean dort dans celui de Manosque. Les troupeaux qui dévalaient de la montagne dans un bruit assourdissant grimpent désormais en villégiature en utilisant les transports en commun.

 

Pourtant, tous respirent toujours sur le pays de Forcalquier et s’éventent encore sur la montagne de Lure.

 

C’est à Lurs qu’ils siègent encore, qu’ils furètent dans les ruelles et s’insinuent sur la pierre impavide, indestructible et pourtant si sensible. De ci, de là, les subtils pores du calcaire séculaire exhalent des arias intemporels. Ils les expriment sous forme de maximes éternelles écrites par ceux qui visionnèrent l’avenir de leur sixième sens artistique.

 

Il convient alors de trouver un peu d’ombre, de s’asseoir sur un muret, de s’accouder contre un mur et de laisser voyager la musique de la flûte de Pan qui souffle dans la tête. Sans attendre, l’instant devient un ravissement.

 

Vent et pierre, c’est d’abord ce que l’on retient de l’âme de Lurs. Pierre sobre, pâle, convalescente, reprenant quelques couleurs à ses volets clos. Pierre mystère, propre à faire surgir un arlequin à chaque coude de la rue. Pierre ocre parfois, dans l’ombre qui s’agite.

 

Et puis ces mots qui surgissent, multicolores, optimistes sur les murs silencieux. C’est Panturle qui voyage dans leurs syllabes, à la recherche du temps dans l’absence qui l’oublie.

 

Nous voulons encore des mots offerts à l’avenir, loin des folies du nouveau siècle et son obscurantisme forcené. Nous voulons encore de la fraîcheur dans la canicule de milieu d’après midi. Nous voulons encore de l’ombre sur la place sous le château. Nous pourrons alors arpenter sans hâte la promenade des évêques…

 

… Et lâcher aux cieux, à chaque oratoire, une oraison pour ceux qui firent le pays.

 

Pour Panturle le bâtisseur bien sûr.

 

Pour la vieille Mamèche partie dans un soupir.

 

Pour Elzéard et son pied de nez fait à la mort. 

 

Pour Joseph, Julia et Madeleine séparés par la grande guerre.

 

Pour Angèle dévorée par l’amour.

 

Pour Césaire Escoffier, le conteur qui comptait les étoiles…

 

Et pour Dominici, à qui nous offrons le bénéfice du doute…

 

Soyez attentifs lorsque le soir tombe et que l’été s’en va. Ils sont là, à pleurer la beauté perdue face à la Durance qui les emporte sans plainte dans son voyage vers l’immensité.

 

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Photo Papy Adgio - Lurs (04)

Modifié par Papy Adgio
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