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La plage du vide


Cisco

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Jonas était plongé dans son monde,  je savais qu'il nous écoutait d'une oreille distraite. On venait d'évoquer une partie de pêche, Grégoire était enthousiaste :

— M'sieur, m'sieur on peut y aller demain ?

J'étais le Mono  de huit gamins, âgés de neuf à dix ans.  Depuis que nous étions arrivés sur l'île, nous avions eu le temps de faire connaissance. Jonas était encore sous le choc car ses parents l'avaient parachuté dans cette colo.

Gaspard le têtard, surnom dû à cette habitude qu'il avait conservé de téter son pouce parlait doucement avec un amusant zézaiement. Tony et Fredy étaient des jumeaux turbulents. Perceval avait toujours une bêtise à faire. Tintin,  qui ne disait pas un mot sans dire un — p'tin !

— P'tin la belle meuf !,  p'tin la piaule ! et au réfectoire, p'tin encore des fayots ! 

Grégoire était toujours partant pour les activités, quelles qu'elles soient. 

Le petit Vladislas , devait sans doute être un rescapé du Bolchoï,  il ne tenait pas en place. C'était un sacré zigoto gigotant sans arrêt, une pirouette par-ci, un sautillement par là.

 

J'avais huit gamins à distraire avec un large panel d'activité. Ils aimaient les jeux d'approche que j'avais organisé dans la forêt, la construction de cabanes, il était temps de découvrir les rivages de l'île et la mer. 

Après avoir obtenu l'accord du directeur, nous avions préparé avec fébrilité le matériel, la logistique ça ne s'improvise pas. Notre sortie fut prévue pour le lendemain après le repas du midi.

 

Le jour venu au cours du repas, les enfants s’étaient montrés de plus en plus impatients :  

— M’sieur, qu’est-ce qu’on va utiliser comme appâts ?

— On a des vers de farine et du pain.

— M’sieur, dit Gaspard, moi z’aime bien le poisson, on pourra les manzer ceux qu’on va attraper ?

— Oui mon Gaspard, on pourra même les cuisiner.

— P’tin ! le chouette grayon qu’on va faire !  pensait tout haut tintin en se relèchant les doigts. Jonas, tout en balançant doucement sa tête d’avant en arrière marmonnait : — poisson, poisson, poisson… Vladislas,  s’était écrié — Super ! on pourra les faire griller sur un feu près de la cabane. Autour de nous, aux autres tables toutes les discussions portaient sur le groupe qui allait partir à la pêche. Les autres enfants semblaient envieux. 

 

Le repas terminé, on s’était préparé, on avait récupéré le matériel et nous étions partis en direction de la plage. Elle se situait près du port dans le village de pêcheurs. Tout près d'une jetée qui s'avançait assez loin en mer, j’y avais prévu notre séance de pêche, les pêcheurs y étaient souvent à l’œuvre.

 

Le temps était radieux ce jour-là, le soleil brillait dans un grand ciel bleu, nous marchions à l’ombre de la pinède le long du chemin qui menait au village. On entendait quelques mouettes qui riaient dans le ciel.

— Moi ze veux attraper des truites, zadore les truites bien grillées nous avait dit Gaspard.

— Moi je veux pêcher un requin s'était enflammé Vladislas qui sautillait et s’y voyait déjà.

— P’tin ! Pourquoi pas une baleine avait ajouté Tintin.

— Baleine, baleine, baleine avait repris en écho le petit Jonas.

Les enfants avaient accéléré le pas, Fredy et Tony faisaient un duel avec leurs cannes à pêche, je les avait rappelé à l’ordre, on arrivait à l’entrée du village. Les enfants s'arrêtèrent au bord du chemin près d'un poste téléphonique sur un poteau. On aurait dit une antiquité, il était écrit dessus « Secours Police ». 

— P’tin c’est quoi ce truc ? Avait dit Tintin, j’avais répondu très sérieusement :

— Ça c’est pour... si jamais la baleine avale Jonas, on peut venir ici et appeler les secours. Les enfants avaient éclaté de rire puis on était entré dans le village. Les gens nous regardaient passer, il y avait quelques touristes et autochtones, sans doute d’anciens pêcheurs.

Aux abords du bistrot, quatre papis firent la réflexion :

— Alors les enfants, on va à la pêche ? 

— Oui, on veut attraper la baleine

— Moi je veux pêcher un requin

— Moi ze veux attraper des truites 

— Baleines, baleines, baleines… répetait Jonas. Fredy et Tony faisaient de grands moulinets avec leurs cannes à pêche. Un des papis l’air goguenard fit la remarque : — Vous n’avez pas entendu l’avis de tempête ? La mer est démontée !

— P’tin ! n’importe quoi !

— Ben pour la peine, on vous z’en donnera pas de nos truites !

— Ni du requin

— Ni de la baleine

— Démontée, démontée, démontée…

— Bonne pêche les gamins ! (dans un éclat de rire)

On avait repris le chemin de la plage et traversé la place du village pour s’approcher de la jetée et voir la mer. Arrivé devant nous, Perceval avait pointé l'horizon du doigt, il semblait stupéfait comme si il avait trouvé le Graal.

— P’tin c’est quoi ce délire !  ça chlingue !

— La mer est démontée !

— Wouahou Zai zamais vu ça !

— Ben ça alors, les poissons on va pouvoir les ramasser à la main.

— M’sieur, elle est où la mer ?

— Où la mer, où la mer,  où la mer, marmonnait Jonas. 

J’avais complètement oublié les marées, plus exactement la grande marée, la mer ne reviendrait pas avant plusieurs heures. A perte de vue on ne voyait que de la vase, une terrible odeur d’algues pourries venait du large. J’étais rouge de honte et le plus terrible était que nous allions devoir repasser devant le bar des papis pour retourner bredouille à la colonie.

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