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Le tombeau de Paul Claudel


Papy Adgio

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Enfourcher sa bicyclette par une douce matinée de septembre, je dirai plus tard la sérénité que cela procure.

 

Le plaisir à ce moment-là est de rejoindre la Via Rhôna, long serpent de bitume qui se propose de frayer du Léman jusqu’à la Méditerranée.

 

Chez nous, au pays des lônes humides, la voie longe nonchalamment le fleuve jadis capricieux. Malicieuse, elle lui fait ensuite quelques infidélités durant une trentaine de kilomètres.

 

Elle l’abandonne une fois franchi le pont de Groslée et s’en va courir le guilledou à travers le pays des couleurs.

 

Palette de verts ondoyants, nuances et senteurs multiples, étangs et mares bordés des saules têtards, âme paresseuse du fleuve sous des flots de roseaux battus par la brise forment un kaléidoscope ouvert à la lumière.

 

Dans ce décor, je pose quotidiennement mes roues et déambule au rythme du gastéropode hâlant sa coquille loin des sarcasmes automobiles et de leurs rumeurs hideuses.

 

Là, la voie verte longe l’eau, longe l’Ain, longe l’ange lu qui loge là en gilet vert  et bicorne de circonstance sous les fenêtres de son château.

 

La demeure appartint à un ascète qui préférait les couleurs proches du morbide, nuances éloignées de celles de cette terre aux lueurs versatiles.

 

La lumière céleste hypnotisait certainement l’homme mais ses amitiés et son altruisme ne scintillaient pas au zénith du fréquentable.

 

Toujours est-il que la piste cyclable suit l’enceinte de sa propriété et qu’à un moment, elle tourne à angle droit devant une porte sévère et froide.

 

A chacun de mes passages, je ne manque pas d’y faire halte. Je pose ma rossinante près de l’écriteau rouge vif indiquant qu’au-delà se repose le corps du diplomate, dramaturge et académicien Paul Claudel.

 

Sachant l’homme ami de mon terroir, j’avais jadis tenté la lecture de sa prose et, comme en conclut Clémenceau, « je crus que c’était un carburateur mais après quelques pages, non, ça n’a pas carburé ! »

 

Ce n’est donc pas par fétichisme littéraire que je franchis le seuil du parc. Ni pour les accointances franquistes, pétainistes ou mauriacienne de l’individu.

 

C’est pour le lieu lui-même, comme disait mon ami Colin.

 

A peine la porte austère refermée, des arbres respectables ordonnent le respect au nouvel arrivant. Ils laissent s’étendre à leurs pieds un simple jardinet chinois avec lanternes vermillon et petit pont qui n’enjambe que le souvenir.

 

Le décor impose le silence, un silence mesuré qui permet de progresser au pas cadencé vers une pierre brute usée par le temps d’où se détache une sentence énigmatique : « Ici reposent les restes et la semence de Paul Claudel ».

 

Quoi ?

 

L’Illustre ne serait pas seul dans son immortalité horizontale et céladon ?

 

L’histoire aurait omis de nous glisser quelques potins saumâtres ou coquins ?

 

 

Que nenni !

 

 

Dans sa cynique modestie, l’Immense rappelle qu’il offrira sa semence au Christ rédempteur lorsque les temps seront parvenus à l’extrémité de leur temps.

 

Dommage.

 

Rien à croquer pour un paparazzo à pédales.

 

Rien de nouveau sous le ciel des couleurs.

 

J’enfourche mon vélo et je pars sur les sentes plus émoustillantes de Stendhal !

 

J’arrive madame de Rênal !

 

J’accours, ma Louise bien aimée !

 

Un peu de patience, je n’ai pas le bon braquet !

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