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Retour du printemps


Papy Adgio

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« Kèskeçapu ! », marmonne la marmotte au fond de sa tanière. Elle ouvre un œil, sort de sa torpeur et pousse un long soupir. Elle bénit sa cure de sommeil car elle a fort maigri et pourrait sans sourciller rentrer dans son pelage du printemps précédent.

 

A l’encoignure du terrier, elle siffle un grand bol d’air et se laisse caresser par la douceur de la brise du mois de mai. Elle risque un œil et s’aveugle de la lumière fière de midi. Elle pointe le nez au grand jour, hume les doux murmures du vent, écoute le ruisseau chanter sous la mousse.

 

« Kèskifaicho !», se dit-elle. Elle gonfle son torse émacié et se décide enfin à fouler l’alpage fleuri. Elle sort et gambade dans la chlorophylle fraîche et la renoncule au long cou ravie d’être roulée sur le sol douillet. Elle gigote, les sens aux aguets et ricane aux leurres aériens.

 

Dans les airs, elle suit les allers-retours incessants des merles au costume lustré et des mésanges rescapées des naufrages de l’hiver. Elle s’amuse des discours amoureux, des ramages irisés, des approches hardies. Elle se renfrogne aux litanies du coucou qui annonce la pluie.

 

« Keskissonbruyants ! », s’exaspère-t-elle en entendant les trilles audacieux, les caquets harmonieux, les pépiements joyeux et le martèlement cadencé du pivert sur l’écorce tannée du pommier. Elle en regretterait l’hiver dans le silence brun de sa tanière.

 

Observatrice, elle exerce son regard aux tours, détours et volte-face du papillon enivré par les nuances naïves de l’enfance. Elle somnole aux ronrons sonores de l’abeille captive des parfums excessifs de l’anémone pâle et de l’amaryllis alanguie.

 

« Keskonébien », chantonne-t-elle en se prélassant aux premières heures de l’après midi sur les pierres chauffées par les rayons amènes du renouveau. Puis elle court le marmot en marivaudage sur les marnes exposées aux jeux futiles de l’adolescence.

 

Elle entame quelques galipettes expertes, roule et déboule sur les pentes offertes aux joutes initiatiques. Elle esquisse un pas de danse, quelques sambas embarrassées et le sourcil baissé accepte les arabesques.

 

« Keskifofaire », soupire-t-elle en rentrant épousseter son antre, évacuer les reliefs de l’hiver, grignoter quelques crottes oubliées et préparer une nouvelle couche. Au creux du printemps, elle délaisse les jeux, s’allonge et libère au matin ses marmottons mutins.

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