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Y avait-il un curé dans l'avion ? (1)


Joailes

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" Le poète jouit de cet incomparable privilège, qu'il peut à sa guise être lui-même et autrui. Comme ces âmes errantes qui cherchent un corps, il entre, quand il veut, dans le personnage de chacun. " (Baudelaire)

 

 

En montant dans la carlingue, j'avais aperçu un curé à l'ancienne, recueilli, recroquevillé sur son siège, une Bible sur les genoux.

Je me suis dit qu'il devait prier pour nous.

Nous ne risquions rien.

D'après les statistiques, l'avion est un moyen de transport sûr.

Les accidents sont rares.


 

C'est quand même flippant.


 

Mais alors, dans ce cas, pourquoi être montée à bord, me direz-vous, non sans une certaine perspicacité.

Tout simplement parce que d'ici 3 heures, je serai arrivée à destination.

Si j'avais pris la diligence du village, cela m'aurait pris trois semaines.

Trois semaines dans la poussière, avec des haltes pour faire boire les chevaux, et puis avec le risque d'être interceptée par des bandits de grands chemins qui n'hésitaient pas à détrousser les voyageurs.

Je m'assis confortablement sur le siège et attachai la ceinture.

Il y avait très peu de monde, si ce n'est une dame âgée qui lisait le journal en faisant scintiller une grosse émeraude à son doigt,  un monsieur tout de noir vêtu, maigre, qui semblait fort mécontent d'être là, avec un coffre sur les genoux, une pie et un curé. 

Le décollage se passa bien.

Nous nous retrouvâmes rapidement derrière le coton hydrophile, et je contemplai l'au-delà avec un certain émoi.

Je jetai un coup d’œil discret au curé qui n'avait pas bougé, mais dont le regard était tourné à présent vers les cieux.

Son air paisible me rassura une nouvelle fois.

Je farfouillai dans mon sac, à la recherche du temps perdu et tombai par hasard sur un cœur de plastique rouge qui ne me quitte jamais.

Je l'avais eu dans un drugstore au Texas, dans un distributeur de rêves, il y a longtemps.

C'était une machine dans laquelle on insérait une pièce de monnaie et, après avoir appuyé sur une touche, « Amour » « Travail » « Argent » ou «  Chance » , on recevait dans un tiroir une petite boîte en carton « Plaisir de rêver », avec un objet à l'intérieur.

Mon amie, Zoë, qui rêvait de devenir institutrice, avait appuyé sur « Travail » et quand la boîte était tombée de la machine, elle avait trouvé un stylo avec une inscription : « School ».

Nous avions bien ri, sans comprendre.

Quant à moi, j'avais appuyé sur la touche « Amour » et j'avais trouvé ce cœur en plastique rouge. 

J'appris beaucoup plus tard que Zoë était devenue directrice d'une grande usine de stylos de luxe, qu'elle avait appelée « SCHOOL ».

Hasard ?

Coïncidence ?

Je n'ai jamais revu de machine similaire depuis …

Ni Zoë, d'ailleurs.

J'en étais là de mes pensées lorsque soudain mes yeux furent attirés par une lumière très vive sur le côté gauche de l'avion.

Un des réacteurs était en feu !

Qu'allais-je donc pouvoir faire ?

Le signaler rapidement, en gardant mon sang froid, à l'hôtesse ?

Elle s'était endormie.

Je ne pus ouvrir le hublot.

 Il semblait coincé.

 

Monsieur le Curé tapotait gentiment mon épaule avec son sourire apaisant.

« Mademoiselle, nous sommes arrivés ! »

Je m'ébrouai, écarquillai les yeux et lui souris à mon tour.

Trois heures de rêves au-dessus des nuages.

Rêves cotonneux sans doute.

Je serrai très fort dans ma main mon petit cœur de plastique rouge …

(J.E. Petites histoires ordinaires - * première partie d'un texte en cinq épisodes* )

Modifié par joailes
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