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Déserts


Papy Adgio

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La lumière glabre de midi traverse ton corps et court se nicher dans l’absence d’horizon.

Toi, les yeux tendus vers l’inaccessible, tu es assis à même le schiste ridé par les restes d’un séisme intemporel.

Le temps, morbide, t’est lentement passé sur le corps jusqu’à assécher la moindre de tes artères.

Tu ressembles désormais aux landes décharnées qui ornent la plaine de leurs profondes cicatrices.

Peut-être qu’avec un peu d’eau, beaucoup d’eau… Peut-être même qu’avec un simple mirage…

L’eau, tu sais que c’est un mot, tu sais que c’est de la vie qui naît de la blancheur de l’hiver puis qui ruisselle là-bas.

La pluie, tu sais que c’est le ciel qui pleure les latitudes lointaines et qui chante la mélancolie du matin.

La pluie, tu sais qu’elle coule et serpente chez ceux à la face translucide qui apportent l’espoir dans leurs sourires contrits.

Posé sur le vide, la douleur dans le dos, ton bâton pour fanal, tu songes à te redresser un peu.

Posé sur le silence, tu écoutes le vide et tu mesures combien l’esquisse d’un geste te lacère le corps.

Rongé par les mouches qui alentour offrent un visage à l’énergie, tu attends qu’elle arrive.

Tu attends la vieille qui libérera de sa grande faux le buisson las qui se consume en toi.

Mais elle aussi a faim. Elle se traîne depuis longtemps et tarde à venir dans un souffle de l’harmattan.

Tu espères un sifflement ténu, un soupir en forme d’éphémère qui te rendra ton large sourire d’enfant.

Tu rêves de lendemains dans la quiétude et la fraternité des cieux où un jardin offert assouvira ta faim.

Dans l’attente, ton imaginaire s’arme de ce qu’il te reste de vie et plane vers une image idyllique de l’opulence…

 

Pendant ce temps, loin, très loin sur les rivages de la satiété, la vie s’anime.

 

Place Rihour sous un soleil solide une rame rieuse essaime ses nuances.

Frivoles elles s’envolent, s’enfuient, esquissent aux pavés des toiles pastel.

Les bras nus semblent des touches sveltes qui irisent l’été de teintes subtiles.

On progresse en plein impressionnisme, on oublie les aubes flamandes et fauves.

La vague vogue vers la Grand Place où son flux se fend de fines farces sonores.

Des rires secouent les quolibets, des larmichettes naissent sur les verres opaques.

On se bouscule, on chante, on joue, on chahute l’immense fontaine propice aux rendez-vous.

On se disperse comme des voleurs, on s’enfuit vers les cavernes d’Ali Baba des rues piétonnes.

Pourvu de sa suite, on se porte à l’assaut, on s’abat sur d’abondantes envies.

Les boutiques sont en première ligne, le front de la richesse brandit ses atours.

Il chante des preuves laconiques, il montre des emphases mathématiques.

Dans un sésame les coffres s’ouvrent : ils débordent et offrent cuirs étoffes et peaux.

Partout c’est la fête à l’euro, la ruée aux bacs, la fièvre de l’achat.

On regarde, on essaie, on se lâche, on achète, on s’exclame aux bonnes affaires.

Sonne l’hallali des coups de folies, l’abondance découle du sacrifice.

Le temps s’évade insouciant et des bandes repues rejoignent le métro dans le crépuscule naissant.

Place Rihour un gobelet plastique près d’un carton laconique qui remercie.

Derrière, un homme posé face contre torse attend désespérément Godot.

Modifié par Eathanor
Surpression des espaces excédentaires
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