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Lamelles de mémoire


Eathanor

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Rien qu’une petite vieille toute rabougrie qui nourrit les pigeons. D’une main tremblante et fripée, elle lance de la mie de pain en l’air. Les oiseaux, sombres rats volants citadins, se pressent autour d’elle, se querellant pour cette providentielle manne. Elle sourit. Depuis toujours, elle porte une affection particulière à ces volatiles. Elle ne saurait pas vraiment expliquer pourquoi. Les nourrir est interdit, mais qu’importe. Les passants sont indifférents. À peine est-ce si quelques mères de famille en promenade ralentissent le pas pour que leurs chers bambins puissent profiter du spectacle, le temps qu’une mie de pain se retrouve dans un bec vorace.

 

À l’orée de sa vie, il ne lui reste plus grand-chose. Elle estime avoir bien vécu. Son mari est parti rejoindre une autre femme. Ses propres enfants ne l’appellent jamais. Elle les comprend. À quoi et à qui peut-elle donc servir maintenant ? Elle n’est plus utile à personne. Le soir, une fois les pigeons nourris, elle sacrifie au même rituel. Elle s’assoit dans son fauteuil de velours élimé, aux couleurs passées. L’écho des années écoulées s’entrechoque dans son dos, courant le long des vertèbres. Aussi prend-elle soin de ne jamais brusquer son mouvement. Tout à côté de l’accoudoir du fauteuil, posé sur un petit guéridon en bois, un herbier. Après chacune de ses promenades dans les artères oxydées de cette cité morte, elle étrenne une nouvelle page pour y déposer une feuille d’arbre recueillie sur un trottoir. Quelle que soit la saison, elle sait qu’elle trouvera toujours cette feuille.

 

Elle ne se souvient plus depuis quand ni même pour quelles raisons elle procède à ce rituel. D’ailleurs, elle ne se pose même plus la question. Elle sait juste qu’elle doit simplement le faire pour garder une trace de la mémoire rouillée de ses promenades. Au pied du guéridon, les herbiers remplis s’entassent en strates successives. Parfois, des inconnus viennent lui rendre visite. Ils l’appellent « maman ». Pourtant, elle n’a pas d’enfants. Comment pourrait-elle en avoir alors que jamais elle ne s’est mariée.

 

Juste des pigeons à nourrir, un herbier à poursuivre

Juste des lamelles de mémoire à retenir

Histoire d’en rire

Avant d’en périr.

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