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roman de Noël


Joailes

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J'emprisonne mes cheveux dans un bonnet rouge, je fais valser toutes les fenêtres et je siffle le chien qui ne dort que d'un œil depuis la nuit des temps.

J'ouvre grand la porte et l'automne me prend aussitôt à la gorge comme s'il voulait m'étrangler.

Il est magnifique dans sa parure rousse et or, je vais succomber c'est sûr ; quelques oiseaux sur les branches des mélèzes s'égosillent, mon cœur bat trop fort.

Je ramasse avec un plaisir puéril quelques châtaignes, fais craquer les feuilles sous mes pieds avec bonheur et je respire tandis que le chien passe et pisse partout.

Il est devenu fou le pauvre, ce n'est pas facile d'être un chien d'écrivain je le sais bien.

Il aboie enfin.

Après six mois de confinement je suis libre, mon roman est enfin achevé.

Il m'a donné parfois bien du fil à retordre, mais que sont les nuits d'insomnie, l'odeur du renfermé mêlée à celle du café et du tabac froid devant ce manuscrit fini ?

Il est là une fois pour toutes, il attend, il a déjà tracé sa route et demain il partira vers sa destinée.

 

Le ciel est immense, je ne m'en souvenais plus.

La tête me tourne, je dois m'asseoir sur une souche, les champignons se poussent pour me laisser la place et le chien me regarde de ses grands yeux d'éternité.

« Salut lutin ! » s'exclame un écureuil en me jetant une poignée de noisettes et un troupeau de rennes s'arrête à mes côtés « n'oublie pas ton vœu de Noël ! »

Je me mets à pleurer, c'était inévitable.

Le chien ne supporte pas ça, il pose sa tête dans mon cou et lèche mes mains et je pleure encore plus c'est la dépression post-partum, rien de grave.

Je me secoue, rajuste mon bonnet.

 

Et nous rentrons tous deux à la même cadence, on va allumer la cheminée et regarder les ombres qui dansent sur les murs dépouillés.

Je pense à un sapin d'autrefois que j'ai gardé et que je pourrais descendre du grenier et puis je me ravise, il n'aurait plus la même emprise.

 

La porte s'est fermée je suis très étonnée car il n'y a pas de vent.

J'entre … le chien sur mes talons ; j'enlève mon bonnet.

 

Tous les personnages de mon roman se sont échappés ils ont voulu décider eux-mêmes ; sans doute n'ont-ils pas été satisfaits du sort que je leur avais réservé.

Je n'aurais peut-être pas dû ouvrir en grand les fenêtres et la porte, c'était trop tôt.

L'hiver est là avec toutes ses feuilles blanches.

L'inspiration ne reviendra jamais de la même façon.

Neuf mois de perdus, dix de retrouvés je vais commencer un nouveau roman.

Et le chien, résigné, se recouche.

J'écris mon vœu de Noël ; tout le reste, n'a au fond, aucune importance.

Ma vie est un roman avec un chien qui, seul, écoute mes histoires.

Je crois que j'écris mais ne fais que rêver.

Je remets mon bonnet. Il se met à neiger.

(joailes – 20 novembre 2022)

 

 

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