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Deux personnages


Le Hamster

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Deux hommes assis côte à côté, l’air d’attendre (ça pourrait être les sièges d’une salle d’attente, ou un banc public…)

 

 

A (l’air satisfait) :

Je suis comptable

 

(curieux) :

Que comptez-vous ?

 

(l’air perdu) :

Je ne sais plus à force. Je compte les jours sans doute.

 

B :

Quels jours ?

 

A :

Les jours fragmentés

 

B :

Fragmentés en quoi ?

 

A :

En éclats. Éclats de voix. Éclats d'étoiles. Éclats de verre.

 

B :

Tout ceci est très incomplet. Que comptez-vous encore ?

 

A :

Je compte les mots. Je compte mes pieds (Ça va très vite, je n'en ai que deux.)

 

B :

Vous pourriez compter vos doigts.

 

A :

Oui mais je compte déjà sur mes doigts. Je peux difficilement compter dessus et les compter en plus...

 

B :

D'autant que s'il y en avait un qui manquait à l'appel, que feriez-vous...?!

 

A :

Ça...

 

B :

Ah ! Vous voyez. (Après un temps). Comptez-vous les jours inutiles ?

 

A :

Oui mais ça n'est pas facile. Comment les distinguer des autres ?

 

B :

Vous avez bien un chef, un responsable de ces questions délicates, sur qui vous appuyer...?

 

 

A :

Pensez-vous ; de nos jours on ne peut plus compter sur personne.

 

B :

Que sur ses doigts.

 

A :

Et encore...

 

B :

Comptez-vous les jours tristes...?

 

A :

Inutile. Tous les jours sont tristes.

 

B :

Mais s'il n'y a que des fragments de jours tristes. Quelques heures par ci, quelques heures par là... Au total, ça doit bien faire des jours complets ?

 

A :

Mathématiquement, vous n'avez pas tort...

 

B :

Ah !

 

A :

Et donc...?

 

B :

Je ne suis pas fort en fractions...

 

A :

Ça n'est pas une raison. Et puis il y a des formations. On vous le doit.

 

B :

Oui mais si on commence avec les fractions de jour, immanquablement on finira par compter les fractions de seconde...

 

A :

Et...?

 

B :

Nous n'avons pas de chronomètres aussi perfectionnés. Vous savez combien ça coûte un chronomètre de professionnel...?

 

A :

Encore un faux problème. Vous êtes comptable, vous pouvez le compter...

 

B :

Oui mais je ne suis pas organisateur de compétitions ! Chacun son métier.

 

A :

Vous ne faites que vous plaindre. C'est votre travail de compter !

 

B :

J'aurais dû être concierge...

 

A :

Rêveur !

(Après un temps… A voix basse) :

Dites-moi… Vous ne comptez… pas d’argent n’est-ce pas… ?

 

B :

Surtout pas ! L’argent il paraît que ça brûle les doigts

 

A :

Vous pourriez mettre des gants… Mais vous avez raison ! D’autant qu’il paraît qu’il y a de l’argent sale ! Même s’il n’a pas d’odeur.

 

B :

Exactement. Et il ne fait pas le bonheur. Même pas celui de mon banquier.

 

A :

Ni de mon avocat fiscaliste.

 

B :

Quant à mon contrôleur des impôts je ne vous en parle même pas…

 

A :

D’ailleurs c’est pour ça que tous ceux qui en ont n’y touchent pas, c’est pour ça qu’on les voit tous sur la côte, au soleil, sur la plage, dans les bars chics… c’est pour ne pas risquer d’y toucher…

 

B :

… et de se salir ! C’est pour ça que je ne vais jamais toucher ma paie

 

A :

Ah bon ? Vous ne la touchez pas ?

 

B :

Oh que non ! Je touche mon traitement !

 

A :

Oui, c’est moins risqué

 

B :

C’est plus propre !

(Après un temps…) Et vous, que faites-vous ?

 

A :

Je suis notaire.

 

B :

Que notez-vous ?

 

A :

Tout ce qui me passe par la tête

 

B :

Et qu’est-ce qui vous passe par la tête ?

 

A :

Ça dépend des moments

 

B :

Et là, par exemple, en ce moment, qu’est-ce qui vous passe ?

 

A :

Un bruit… (il écoute)

Ça doit être un train…

 

B :

Quelle sorte de train ?

 

A :

Je ne sais pas, il est déjà passé.

 

B :

Déjà ?

 

A :

Oh oui il est passé très vite

 

B :

Si vite que ça ?!

 

A :

Oh oui il est passé en coup de vent

 

B :

Sans s’arrêter ?

 

A :

Et non, il n’y avait pas de gare

 

B :

Mais vous avez bien noté ce que c’était comme train ?

 

A :

Un train à très grande vitesse

 

B :

Ça je veux bien vous croire… (Un temps) Mais vous n’avez rien noté ? Sa marque ? Son empreinte ?

 

A :

Non ça m’est sorti de la tête

 

B :

(agacé) Et vous n’avez pas noté son numéro ? Tous les trains ont un numéro

 

A :

Eh non.

 

B :

Et qu’est ce qui passe d’autre, habituellement …que vous notez ? …quand vous avez le temps, naturellement ! (ironique)

 

A :

Les jours… les jours qui passent (avec lassitude)

 

B :

Et le temps… non ?

 

A :

Oui mais le temps, il passe tout le temps ; il ne s’arrête jamais

 

B :

Oui, ça… il ne risque pas de vous sortir de la tête

 

A (le regardant, indigné) :

 

Naturellement. Je ne le laisse pas s’échapper

 

B : (timidement) :

 

Même s’il fuit… ?

 

A :

Même s’il file !

 

B :

Pourtant il paraît que le temps ne se rattrape jamais…

 

A :

Le temps perdu ! Mais je ne le perds jamais, moi… C’est quelque chose auquel je fais très attention

 

B :

Oui c’est très important…

 

A :

Je perds parfois mes clés… mais ça jamais !

 

B :

Oui, vous avez raison. …En même temps on ne choisit pas ce qu’on perd…

 

A :

Je perds parfois le nord, parfois la boule, mais le temps jamais !

 

B :

Moi je perds parfois ma dignité, parfois contenance… Tiens, même une fois j’ai perdu la face ! (le regardant avec mépris)

 

A :

C’est secondaire tout ça. Le temps c’est trop important. Moi, dès qu’il rentre, CRAC je ferme la porte, et il se retrouve enfermé, il ne peut plus sortir !

 

B :

Oh il doit être surpris. Il doit même être en colère, non ? Il ne vous en veut pas ?

 

A :

Je m’en fous. De toute façon j’ai la clé. Et il le sait bien. Et je la garde. Tiens, des fois je le lui montre comme ça, je le nargue.

 

B :

Vous êtes le maître des clés ?

 

A :

Non je suis le maître du temps.

(un temps). Des fois il me supplie, il pleurniche, il m’implore. Mais moi je reste inflexible.

 

B :

Vous êtes un peu cruel, non ?

 

A :

Non, non, non. Taratata. Pas de pitié. Il ne faut pas se laisser attendrir. Moi je ne me fais pas avoir. Pas comme certains.

Comme l’autre, là, le pâtissier. Il a été distrait, il lui a tourné le dos, et le temps en a profité pour prendre la porte et filer à l’anglaise ! Du coup il en fait sept tomes : « A la recherche du temps perdu » ça s’appelait. C’était peine perdue. Il ne l’a pas retrouvé.

 

B:

Personne ne lui a rapporté ?

 

A :

Pensez-donc ! Si le temps est tombé sur quelqu’un comme moi, prudent, averti, il n’est pas près de le revoir !

 

B :

Ah oui, il doit ronger son frein…

 

A :

Plus trop maintenant… Il a eu tout le temps pour y penser.

 

B :

Mais c’était trop tard…

 

A :

Eh oui, quand le temps est passé, c’est toujours trop tard

 

B :

Vous avez raison : il ne faut jamais laisser le temps passer.

 

A :

Mouais (regardant sa montre). Bon, mais il va falloir y aller. On parle, on parle…

 

B :

…Et l’heure tourne !

 

A :

Ouais. Et tourne même un peu en rond…

 

B :

Des fois on vous fait tourner en bourrique…

 

A :

J’y vais avant de le perdre... mon temps !

(Et il s’éloigne ne faisant un signe d’adieu)

 

 

Modifié par Le Hamster
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