Marées nocturnes

[Thy Jeanin]

     J’ai rêvé que je ne rêvais pas et le peuple qui hante mon sommeil s’est soulevé. Pour ne pas entendre ses cris, j’ai bouché mes oreilles avec deux coquillages.

 

     Bernard l’ermite habite une bouteille à la mer échouée sur le rivage. Il a seul su déchiffrer le message et maintenant, il sait lire.

 

     Sur l’oreiller, chaque jour, reliquat de la nuit, est une partition enchantée. Quelqu’un se sert de ma mémoire pour composer.

 

     Il y a les nefs, les fous, des oiseaux qui dansent dans les anses avec aisance et qui nichent entre mes tempes, elles sont pleines de leurs rires.

 

     Les heures de grande fatigue, on frappe à ma porte, je me réveille d’un coup, quelqu’un – encore lui – est entré qui prétend que c’est moi qui frappe.

 

     Aux nues, quand les nuits sont nues, on voit Vénus qui porte une coquille éblouie et me susurre : qu’attends-tu ?

 

     Il y a des bruits sous mon lit, mais comment ont-ils pu quitter la boîte d’os et d’ivoire, de corne têtue ?

 

     Bien sûr, un agent d’assurance n’en croirait pas un mot, parce qu’une parole donnée est sans prix, ne figure dans aucune bulle près d’éclater.

 

     Tout le jour, j’oublie le grimoire. Au retour, Morphée se fait Protée qui d’un coup de lanterne magique se fait Asmodée et tout l’enfer y passe.

 

     Il se passe quelque chose à l’intérieur, mais quoi !

 

     Dans l’écume des mots, j’ai levé l’ancre, l’ascète érudit m’a dit flûte, je ne saurai jamais le secret des marées nocturnes, ces mirages délétères.

 

     Alors, j’en avais rêvé, j’ai laissé tomber la nuit.