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Jeune aise (fragment)


Thy Jeanin

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  C’était l’horrible temps où mon père était un monstrueux ciel géant noir et ma mère une gigantesque montagne de lait et de glace. L’horizon était rouge du sang du monde et la terre grouillait d’innombrables mouches luisant comme des anges, qui venaient tourbillonner en bourdonnant autour de mon berceau, à une fenêtre de la caserne du quartier. La nuit, quand tout dormait, j’interrogeais la lune pour savoir où j’étais, ce qu’il adviendrait de moi et les autres, qui étaient les autres, ceux dont j’entendais se tramer la voix dans la rue, et moi, qui j’étais, moi ? Mais la lune ne me parlait que de nuages bleus défilant dans le ciel sans répondre à mes questions et je finissais par m’abandonner à la berceuse du vent. Le matin, le soleil se moquait de moi. Il me réveillait d’une chiquenaude et me débarbouillait à coups de claques sonores. De l’autre côté de la fenêtre rappliquaient en trombe les mouches. Les voix résonnaient alors. Tout près, celle de ma mère, et j’en tremblais, tandis que les murs devenaient impassibles, retenant leur souffle. Les meubles faisaient une moue désespérée. Quelqu’un alors survenait et, oubliant tout, je choyais dans un insondable puits noir. Quand j’en sortais, il m’était interdit de me frotter aux maisons et je rapetissais d’instinct. Quand j’étais dans ma poussette, des odalisques d’or, souriantes, me faisaient les poches sans plus de façon. Les vapeurs de bromure qu’on distillait sur les chemins du Seigneur me fouaillaient sans arrêt  le crâne de none en vêpres. Mon corps alors, ou mon cœur, pour dire comme les  bourdons des clochers, était empli de la sève du soleil, prêt à éclater au premier signe de printemps et j’en cramoisissais à avaler les champs de vigne alentour et le monde vaste... Mais quand, à quatre heures, sonnait l’heure du goûter, il ne restait plus que lacs argentifères et forêts bleutées.
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