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Reconnaissance posthume


Joailes

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Un rimailleur est mort dans sa belle attitude,

sur son bureau de teck , vermoulu de solitude.

Personne à ses obsèques, sinon quatre croque-morts.

 

Sa main était de porphyre, ses papyrus fragiles ne valent pas un kopeck, disait-on ;

comme les ailes du papillon venu vivre et mourir sur l'abat du premier jour,

du dernier jour, à la lueur d'un soupir, il avait cessé de se débattre.

 

Il était si maigre -la poésie ne nourrit pas son homme-

qu'on l'a mis dans son encrier et jeté dans un champ de pommes

enseveli sous des tonnes de papier, son porte-plume en guise de croix,

il n'avait plus que son caleçon sur ses os tâchés d'encre,

on disait qu'il était fou de toute façon.

 

Quelques années lumière plus tard, on peut voir des gens penchés, comme par hasard,

dans un ancien verger, où les corbeaux ont bien mangé,

fouillant la terre, armés de pelles et de râteaux

cherchant un morceau de poème

du rimailleur devenu célèbre post-mortem.

 

On dit que ses poèmes valent beaucoup de copecks aujourd'hui.

 

A quoi ça tient !

 

Il n'en est resté qu'un, retrouvé in-extremis sur une branche de pommier qu'on allait

abattre puisqu'il ne donnait pas de fruits, au petit village de Trifouillis-les-Oies on fait visiter la

maison de cet écrivaillon au nom tellement inconnu qu'on dit que c'est pour ça qu'il mourut.

 

Tout y est : le bureau de teck, la plume, l'encrier et le poème rescapé qu'un spot éclaire

jour et nuit.

 

Il y a des tournesols, des amandiers en fleurs et puis des oliviers en prime sur les collines ; on a un peu raconté son histoire, ça rapporte à la commune.

Mais quel regret !

Guère de reconnaissance faciale. 

Qui était-il cet écrivaillon, au fond ? 

On aurait dû garder son mouchoir, son gilet de flanelle, un poil de sa barbe

son slip, sa brosse à dents, une goutte de son sang, son costume, se disent les gens qui l'ont méconnu.

On appelle ça la reconnaissance posthume.

 

Et Lui s'en fout, maintenant. 

(joailes – juin 2022)

 

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