Partager Posté(e) 2 mai 2021 IX L' abbaye dans le bois Des lueurs clignotent dans les feuilles dormantes, Je m’approche pour voir au judas d’épouvante… Une abbaye en peine a élu domicile, De grands caveaux fumants…voilà que sous tes cils, Des moines endeuillés enterrent un des leurs. Ils suivent sans bruit la main portée au cœur, Le funèbre lampion dans les brumes fantômes. Ces ombres de granit prient Saint Jean Chrysostome, Sur leurs lèvres la croix, impassibles et jais, Comme des mages noirs perçant l’ombre et l’attrait. Je comprends à présent l’étrange thébaïde, Je me souviens des fleurs au pied du déicide, De ce chemin pierreux qui parlait aux chardons, La conquête du bois jouait de ma raison. A présent, que vois-je entre sommeil et dormir ? La caverne enfanter un rien qui fait pâlir, Des gens sortis d’un gouffre au bliaud nébuleux Qui esquivent la mort méditant avec dieu, Qui louent aussi la nuit, sérum imputrescible, Inoculé dans l’air mais qui rend très visible Leur lente procession, leurs âmes cutanées. Or, ce lieu effrayant, je le croyais damné… Sous les cils du levant, sans mémoire apocryphe, Aucun autre décor aussi noir dans ses griffes, Ne m’aura autant dit un soir d’engoulevent Sur la pulpe funèbre et l’envol des gisants, Sur ce qui peut naître et ne plus être autrement. Mes yeux souvent absents tracent confusément L’aire d’une onde d’or, à défaut d’y cibler Le blanc fourmillement du mystère allaité, D’un ange aussitôt né aussitôt dans le ciel, En un mot la rencontre avec l’aube réelle… Qu’aurais-je imaginé sur ce socle spectral ? Sous les bois barbelés d’épines féodales ? Un lieu-dit tout tremblant ? Une ogresse forêt Capturant sous son joug un lugubre clergé ? L’entrée de la chapelle aux vitraux démolis Où tous les vents d’hiver hurlent leurs gémonies, Ressemble étonnamment au tableau de Caspar*, Du noir si sensuel qu’il teint un râle épars D’un beau rose auroral se dénudant plus pâle. Là, au blanc de tes yeux, la lune y prend son voile… Sous les cils du levant, tes catafalques noirs, Tes sépias pour pendus, tes couleurs d’au revoir, Cachent en vérité, invisible à l’œil nu, Des agates du ciel, la source de Jésus Qui se baigne parfois avec l’esprit des roses Pour effeuiller ton âme en tes paupières closes… Caspar David Friedrich: Peintre et paysagiste romantique allemand de la fin du 18ème siècle. Je me suis inspiré de sa toile célèbre "l'abbaye dans le bois". A suivre... 9 Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites Plus d'options de partage...
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