Cortijo del sueño

[Diseuse lunaire]

Derrière un cheval et une faucille, je vois une légère fumée ou trainée de poudre. Un résidu d’attachement de la paysannerie d’antan, de la mystique de la terre, du temps perdu. Un temps modifié, des jours, des heures de douceur quand le soleil et la lune rythmaient les rêves et les peurs. Aujourd’hui, toi l’andalou, tu ressens, tu perçois la charge symbolique des objets, elles te hantent, tu ne peux pas t’en défaire. Comme un voile qui t’enveloppe, comme la nostalgie des premiers amours, comme la chaleur du soleil entre les cheveux de ta mère, comme le creux des jambes d’une femme, comme la caresse d’un animal... Tu te manques à toi-même. Tu te manques à ton temps. Tu te manques à toi-même.

 

Tu pratique et ris, tu partages et chantes avec tes amis, tu tentes de revivre cet instant semblant. Un semblant de passé clairsemé. Voulu ou inconscient, voilà tes questionnements. Assis sur ma chaise, je souris de l’exotisme, je perçois la folie joyeuse de vos cris, de vos tapes amicales, de votre amour partagé pour des moments d’union, je ris et souris aussi, je cherche à participer avec mes petites mains, elles claquent un temps, deux temps, on me dit que le compas n’y est pas, mais je cherche à le rattraper. Un jour, on m’a dit qu’on ne pouvait être réellement connectée que si notre cœur était bien placé. Alors j’ai placé le mien dans un petit écrin, tout fait de verre et de lumière, je l'ai mis entre tes mains. Tu as voulu faire claquer tes mains et tu l’as lâché. Et j’ai enfin compris qu’on ne donne pas son cœur à n’importe qui.

 

Juillet 2020, sur le toit d'une ferme quelque part entre Cordoue et Séville

Modifié 7 avril 2021 par Diseuse lunaire