Délits de songe

[Frédéric Cogno]

Sous les cils du levant, l’œil n’est plus à l’orgie,

Commence en un reflet la plus grande infamie.

La mer couleur aimant tire vers le girofle,

Des ports phéniciens se disputent le golfe.

La guerre se prépare aux ocres du couchant,

Bientôt cent proues de fer pour le débarquement.

L’attaque aura bien lieu sous la falaise brune,

L’assaut sera fatal, l’escalade nocturne.

Déjà la forteresse en proie aux embuscades,

Par les portes rougit et s’enfume muscade.

Des nacelles remplies comme des coupes pleines

S’écarquillent de feu endiablées, tungstènes,

Vomissent des soldats folâtrés à l’absinthe,

Ô bave des rageurs ! Ô boucliers de pointes !

Nulle ire naufragée, oursins des rocs perfides,

N’est allée aussi loin sous l’œil du suicide !

Fureurs, combats, tueries, aux extraits de vengeance,

Nombreux ceux qui sont morts les yeux tachés de transes,

Qui se sont endormis vitrifiés de sel,

Bois flottés raides morts ou sombrant caramel,

Prisonniers d’un chaos aux vagues vicieuses,

Heurtant leurs os perdus dans les criques lépreuses.

Ils ont livré bataille aux cris des alcyons,

Ne comptons plus les morts, la mer prend sans façon,

Les vivants des deux camps, les fuyards à la nage,

Ceux qui voyaient d’en haut le sinistre abordage.

Sous les cils du levant, la nuit s’est engloutie,

A chaque battement, la pointe des fusils…