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L'Hiver


Julien Ertveld

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Merd’ ! V’là l’Hiver et ses dur’tés,
V’là l’ moment de n’ pus s’ mett’ à poils :
V’là qu’ ceuss’ qui tienn’nt la queu’ d’ la poêle
Dans l’ Midi vont s’ carapater !


V’là l’ temps ousque jusqu’en Hanovre
Et d’ Gibraltar au cap Gris-Nez,
Les Borgeois, l’ soir, vont plaind’ les Pauvres
Au coin du feu… après dîner !

Et v’là l’ temps ousque dans la Presse,
Entre un ou deux lanc’ments d’ putains,
On va r’découvrir la Détresse,
La Purée et les Purotains !

Les jornaux, mêm’ ceuss’ qu’a d’ la guigne,
À côté d’artiqu’s festoyants
Vont êt’ pleins d’appels larmoyants,
Pleins d’ sanglots,.. à trois sous la ligne !

Merd’, v’là l’Hiver ! Le pègr' s'échine
À fabriquer les port's-monnaie
Merd’, v’là l’Hiver ! Maam’ Sév’rine
Va rouvrir tous ses robinets !


C’ qui va s’en évader des larmes !
C’ qui va en couler d’ la pitié !
Plaind’ les Pauvr’s c’est comm’ vendr’ ses charmes
C’est un vrai commerce, un méquier !

Ah ! c’est qu’on est pas muff’ en France,
On n’ s’occup’ que des malheureux ;
Et dzimm et boum ! la Bienfaisance
Bat l’ tambour su’ les Ventres creux !

L’Hiver, les murs sont pleins d’affiches
Pour Fêt’s et Bals de charité,
Car pour nous s’courir, eul’ mond’ riche
Faut qu’y gambille à not’ santé !

Sûr que c’est grâce à la Misère
Qu’on rigol’ pendant la saison ;
Dam’ ! Faut qu’y viv’nt les rastaqoères
Et faut ben qu’y r’dor’nt leurs blasons !


Et faut ben qu’ ceux d’ la Politique
Y s’ gagn’nt eun’ popularité !
Or, pour ça, l’ moyen l’ pus pratique
C’est d’ chialer su’ la Pauvreté.

Moi, je m’ dirai : « Quiens, gn’a du bon ! »
L’ jour où j’ verrai les Socialisses
Avec leurs z’amis Royalisses
Tomber d’ faim dans l’ Palais-Bourbon.

Car tout l’ mond’ parl’ de Pauvreté
D’eun’ magnèr’ magnifique et ample,
Vrai de vrai y a d’ quoi en roter,
Mais personn’ veut prêcher d’exemple !

Ainsi, r’gardez les empoyés
(Ceux d’ l’Assistance évidemment)
Qui n’assist’nt qu’aux enterr’ments
Des Pauvr’s qui paient pas leur loyer !


Et pis contemplons les Artistes,
Peint’s, poèt’s ou écrivains,
Car ceuss qui font des sujets tristes
Nag’nt dans la gloire et les bons vins !

Pour euss, les Pauvr’s, c’est eun’ bath chose,
Un filon, eun’ mine à boulots ;
Ça s’ met en dram’s, en vers, en prose,
Et ça fait faire ed' chouett’s tableaux !

Oui, j’ai r’marqué, mais j’ai p’t’êt’ tort,
Qu’ les ceuss qui s’ font nos interprètes
En geignant su’ not’ triste sort
Se r’tir’nt tous après fortun’ faite !

Ainsi, t’nez, en littérature
Nous avons not’ Victor Hugo
Qui a tiré des mendigots
D’ quoi caser sa progéniture !


Oh ! c’ lui-là, vrai, à lui l’ pompon !
Quand j’ pens’ que, malgré ses meillons,
Y s’ fit ballader les rognons
Du bois d’ Boulogn’ au Panthéon

Dans l’ corbillard des « Misérables »
Enguirlandé d’Beni-Bouff’-Tout
Et d’ vieux birb’s à barb’s vénérables…
J’ai idé’ qu’y s’a foutu d’ nous

Et gn’y a pas qu’ lui : t’nez Jean Rich’pin
En plaignant les « Gueux » fit fortune.
F’ra rien chaud quand j’ bouffrai d’ son pain
Ou qu’y m’ laiss’ra l’taper d’eun’ thune.

Ben, en peintur’, gn’a z’un troupeau
Ed’ peint’s qui gagn’nt la forte somme
À nous peind’ pus tocs que nous sommes :
(Les poux aussi viv’nt de not’ peau !)


Allez ! tout c’ mond’ là s’ fait pas d’ bile,
C’est des bons typ’s, des rigolos,
Qui pinc’nt eun’ lyre à crocodiles
Faite ed’ nos trip’s et d’ nos boïaux !

L’en faut, des Pauvr’s, c’est nécessaire,
Afin qu’ tout un chacun s’exerce,
Car si y gn’ aurait pus d’ misère
Ça pourrait ben ruiner l’ Commerce.

Ben, j’ vas vous dir’ mon sentiment :
C’est un peu trop d’hypocrisie,
Et plaindr’ les Pauvr’s assurément
Ça rapport’ pus qu’ la Poésie :

Je l’ prouv’, c’est du pain assuré ;
Et quant aux Pauvr’s, y n’ont qu’à s’ taire.
L’ jour où gn’en aurait pus su’ Terre,
Bien des gens s’raient dans la Purée !


Mais Jésus mêm’ l’a promulgué,
Paraît qu’y aura toujours d’ la dèche
Et paraît qu’y a quèt’ chos’ qu’ empêche
Qu’un jour la Vie a soye pus gaie.

Soit — Mais, moi, j’ vas sortir d’ mon antre
Avec le Cœur et l’Estomac,
Pleins d’ soupirs… et d’ fumé’ d’ tabac.
(Gn’a pas d’ quoi fair’ la dans’ du ventre !)

J’en ai ma claqu’, moi, à la fin,
Des « P’tits Carnets » et des chroniques
Qu’on r’trouv’ dans les poch’s ironiques
Des gas qui s’ laiss’nt mourir de faim !

J’en ai soupé de n’ pas briffer
Et d’êt’ de ceuss’ assez… pantoufles
Pour infuser dans la mistoufle
Quand… gn’a des moyens d’ se r’biffer.


Gn’a trop longtemps que j’ me balade
La nuit, le jour, sans toit, sans rien ;
(L’excès même ed’ ma marmelade
A fait s’ trotter mon Ang’ gardien !)

(Oh ! il a bien fait d’ me plaquer :
Toujours d’ la faim, du froid, d’ la fange,
Toujours dehors, gn’a d’ quoi claquer ;
Faut pas y en vouloir à c’t’ Ange !)

Eh donc ! tout seul, j’ lèv’ mon drapeau ;
Va falloir tâcher d’êt’ sincère
En disant l’ vrai coup d’ la Misère,
Au moins, j’aurai payé d’ ma peau !

Et souffrant pis qu’ les malheureux
Parc’ que pus sensible et nerveux
Je peux pas m’ faire à supporter
Mes douleurs et ma Pauvreté.


Au lieu de plaind’ les Purotains
J’ m’en vas m’ foute à les engueuler,
Ou mieux les fair’ débagouler,
Histoir’ d’embêter les Rupins.

Oh ! ça n’ s’ra pas comm’ les vidés
Qui, bien nourris, parl’nt de nos loques.
Ah ! faut qu’ j’écriv’ mes « Soliloques » ;
Moi aussi, j’en ai des Idées !

Je veux pus êt’ des Écrasés,
D’ la Muffleri’ contemporaine ;
J’ vas dir’ les maux, les pleurs, les haines
D’ ceuss’ qui s’appell’nt « Civilisés » !

Et au milieu d’ leur balthasar
J’ vas surgir, moi (comm’ par hasard)
Et fair’ luire aux yeux effarés
Mon p’tit « Mané, Thécel, Pharès » !


Et qu’on m’ tue ou qu’ j’aille en prison,
J’ m’en fous, je n’ connais pus d’ contraintes :
J’ suis l’Homm’ Modern’, qui pouss’ sa plainte,
Et vous savez ben qu’ j’ai raison !


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