Extrait du "Guide chimérique des routes de transe".

[Thy Jeanin]

* Itinéraire ter : la route de crête.

Au départ de Sainte-Pie.

 

Les cimes d’Orgue

 

Partie la plus mystique des Monts de l’Espir, le sacré Sommail présente des rochers extravagants constitués de deux paumes de granit qui se joignent l’une (face nord) l’autre (face sud) et au sommet desquelles la route de crête a été sommairement déblayée en 1920. Ancien chemin de pèlerinage, elle permet au visiteur extatique de retrouver, on l’espère, la route de Lisieux.

 

Sainte-Barbe

Quitter Ste-Pie par la droite (direction Saint-Père) : sens unique vers la D 333.

 

Sinueuse et pittoresque, la route s’élève pour offrir des vues édifiantes sur la Vallée de l’Alarme, le Pic du Ravi du Crêt et le Val-des-Nèfles avant d’atteindre la route de crête.

Une petite chapelle allégorique en bois tendre a été récemment restaurée. On observe au niveau de ses fondations ouest le reliquat d’une mosaïque crypto-celtique dont les incrustations de silex témoignent de rites préhistoriques vouées au culte du feu sidéral.

 

Prendre la route dallée lorsque la brume le permet. (Il est recommandé de ne pas caresser les ours en période de lévitation, sauf s’ils ont troqué leur fourrure pour une robe de bure et si l’on s’est lavé les mains trois fois à l’eau de rosée.)

 

Le saut de Vérole

 

Mal carrossable, le chemin s’étrécit sous l’extrême onction. Il est conseillé d’éteindre le moteur et de pousser le véhicule sans bruit. Il est possible de faire cette partie du chemin à dos de Lambertin (compter ¼ d’h.) dès qu’on saura de quoi il s’agit. Laisser ses chaussures dans les ronces.

 

Dans un paysage austère, le massif du Bourreau se dégage juste par-dessus la Saccade, haute cascade réputée pour ses étincelles. Les parois en effet sont ici riches de mica blanc. Ses reflets étaient autrefois considérés comme des signes précurseurs de la présence divine. Depuis la construction d’une centrale hydro-pathétique, la cataracte est réduite d’une saccade, mais garde toute la hauteur d’âme aux yeux du visiteur de bonne volonté.

 

Revenir à la D 333 (éviter le chemin vicinal 666,66).

 

La route de crête traverse de belles landes et bruyères, la brise est traversière, les nuages sont interdits de passage.

 

La Fraise Micheline

 

Ainsi nommé en mémoire d’une païenne dévergondée tard convertie à l’islam à l’occasion d’une razzia mauresque au VIIIe siècle, le hameau originel fut occupé par les moines chasseurs d’esprits sous Carloman II. Il reste trois masures bâties en tau. On sonne à la corne de brume pour solliciter une visite.

 

Font Annelle

 

Minuscule cavité rocheuse où la pluie a creusé un millénaire cratère, c’est une cuve de pierre qui longtemps a servi de fosse aux sceptiques, prohibés par le Canon, qu’on prenne qui pourra. On y a découvert en 1710 une châsse remplie de sanglots d’or. Elle est depuis régulièrement rincée à l’eau bénite et ointe d’un chrème fabriqué avec de l’eau Lourdes, localement dénommée gare à Satan. L’habitant y réside encore qui, selon la légende, se métamorphose en grenouille le jour de Pâques si luit la comète. D’une contenance de quinze ectoplasmes, il est de coutume d’y tremper l’orteil gauche en se signant trois fois. (Demander le frère Noël, généralement au balcon, et le frère Pacaud qui s’occupe de la cheminée).

 

Pour quitter la route de crête.

 

Suivre la route jusqu’au bout. Un guide bénévole se charge pour terminer l’excursion de redescendre votre auto en lieu sûr (tous les dimanches, horaires variables selon les saisons) contre une génuflexion et une hostie du jour.

 

On s’approche prudemment du cul de sac qui clôt, à l’est, la route de crête, puis on lance son âme adieu.

 

Attention : nul retour possible.

Modifié 22 décembre 2020 par Thy Jeanin