Add Comments/Reaction First Last Add Comments/Reaction First Last

Il n’y a aucun commentaire à afficher.

~ Les commentaires sur les sujets sont uniquement visibles des membres de notre communauté ~
Rechercher dans
  • Plus d’options…
Rechercher les résultats qui contiennent…
Rechercher les résultats dans…

Doit contenir au moins 3 caractères.

Aller au contenu

le vagabond


Joailes

Messages recommandés

Les jours sont parfois sans lumière, les nuits sans étoiles.

Certains malheurs rendent aveugles, certains fleuves noient les plus fragiles. 

... 

Le vagabond a posé pour un temps son baluchon dans la vieille grange, au bout du village, et partage sa couverture et ses puces avec son chien qui ne dit rien, sauf avec ses yeux chauds qui sont, à eux seuls,  tout un langage.

Il vit près de la gare pour entendre les sifflets des départs et sentir l'odeur des rails.

On le tolère parce qu'il ne fait pas de bruit et ne mendie pas.

Certaines bonnes âmes lui laissent de quoi manger, en passant, et surtout pour son chien, parce que le chien apitoie plus que l'homme, quand il n'aboie ni ne mord.

Le vagabond non plus n'aboie pas, ni ne mord, mais il dérange.

On n'a pas idée de devenir vagabond et de n'avoir rien, si ce n'est un petit sac de toile ; on n'a pas idée de vivre ainsi, voyons.

Certains détournent les yeux en passant, comme si c'était contagieux d'avoir tout perdu et de n'avoir rien.

Je me suis dit que peut-être, cet homme avait juste besoin d'entendre une voix, qu'on lui parle comme s'il était "normal".

Je me suis assise tout près de la grange, sur une grosse pierre et le chien est venu aussitôt, en remuant sa queue pelée.

Alors son maître est sorti à son tour et s'est approché de moi, presque timidement et puis il a parlé.

D'abord du temps, du vent et de la beauté des collines et puis, confiant, il m'a raconté sa vie.

Pas belle.

Il avait les veines qui saillaient à travers sa peau burinée, comme sur un marbre brisé.

Ses yeux étaient si pleins de vide … sa voix éraillée, peut-être d'avoir hurlé comme un loup meurtri, trop de fois.

Demain il repart, vers d'autres horizons, vers cet ailleurs qui sera le même avec son cœur mort ; pour bouger encore un peu, voir le reste de la terre avant de la quitter.

Il est vieux de tant d'années de souffrances.

Épuisé.

A-t-il encore un nom, dans le monde des hommes ?

Il m'a remerciée de lui avoir offert un peu de temps et je l'ai remercié aussi avec une poignée de main chaleureuse.

Mon impuissance me coupait les jambes, comme souvent.

Je ne peux jamais fuir, même au bout du monde, les vagabonds sont toujours sur ma route, avec leurs histoires noires comme les nuits sans étoile, comme les jours d'orage feutrés où la terre aphone éclate de colère . 

 

Le cœur lourd, j'ai descendu le chemin dans l'éphémère des hautes herbes où ne restaient juste que des silences, avec la hâte de retrouver mes voix de l'encre.

 

 

 

  • Merci 1
Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

×
×
  • Créer...