Lettre à Josette

[Joailes]

 

 

Ce soir, au supputé des évènements qui se préparent, je reste persuadée que mieux vaut en rire avant que de ne plus (en) pouvoir.
Je te propose de relire un conte de fées où une jeune fille naïve veut bien embrasser un crapaud froid et quelque peu glauque ; les yeux fermés, sans doute, mais avec ferveur, au-dessus d'un ignoble étang qui pue.
Dès le baiser entamé, elle se retrouve dans un château très chic, avec une bibliothèque plus haute que l'Everest, au milieu de roseraies où batifolent des jardiniers, avec tout un tas de caméristes qui brossent ses cheveux d'or, tandis que les cuivres brillent à la cuisine.
Elle a aux pieds de jolis chaussons de vair et je t'épargne le carosse, la bague de diamants et les mots du Prince Charmant, préludes de nuits chatoyantes.

Dans la vraie vie, tu peux toujours embrasser un crapaud si ça te chante, mais il t'emmènera dans son HLM au 115ème étage,
il aura une plante en plastique qui pue comme au cimetière ; tu pourras bien te brosser, et puis tes cheveux seront courts de toutes façons,  tu auras aux pieds des chaussures de sécurité, ton air de princesse faudra le ravaler, ma pauvre Josette.
Comme on nous a menti depuis le début, j'ai la curieuse impression qu'on s'est fait avoir, mais peut-être, mea culpa, sur le moment, je n'ai pas pigé les paraboles, et toi non plus.

N'en parlons pas, nous savons. 
Je t'envoie des livres parfumés, ne m'en veux pas de remuer le couteau dans la plaie, mais au fond, on aime bien ça, n'est-ce pas ...

Pour ma part, j'y crois encore : j'ai observé un gros crapaud au fond de mon jardin, il a l'air gentil, son oeil est globuleux, mais sa paupière tendre.
J'ai mis mon réveil à six heures, j'irai lui porter son café, un croissant tout frais et un baiser.
Je te dirai demain si il s'est transformé et en quoi.
Ou alors, je ne dirai rien et tu resteras sur ta faim 
Mais nous aurons la même, toujours ...
N'est-ce pas ?
Jo