Posté(e) 3 juillet3 juil. comment_200232 (Hommage à P.J. Toulet)En bordure de la terrasse s’épanouit un buisson de roses rouges.Avec le temps ― et les soins diligents de la main qui le soigne, le dorlote, le taille, coupe les fleurs fanées, et déverse chaque jour à son pied des litres d’eau ― il s’est gonflé, a pris de l’assurance ; il en deviendrait même impertinent, annexant la moitié de l’allée, nous agriffant au passage de ses épines, tel un chaton malicieux dissimulé sous une chaise, qui vous gratifie par surprise d’un coup de patte sournois ― innocente taquinerie.Des litres, en cette période de sécheresse et de restrictions ? Pas d’inquiétude, c’est de l’eau de récupération, qui a servi essentiellement à laver les légumes. Le rosier n’y trouve rien à redire, au contraire, et la légalité est sauve. Et ce régime lui réussit.Je ne me lasse pas de considérer cette brassée opulente, et c’est comme un feu d’artifice, un bouquet final somptueux, soudain figé et immobile, qui vous laisse tout le temps de l’admirer. Quelques abeilles viennent discrètement butiner les corolles généreuses ; le rosier se laisse faire. C’est à peine si l’on perçoit leur subtil bourdonnement dans la torpeur de l’été.C’est là que, par les grandes chaleurs, vient se réfugier notre vieux chat philosophe et sans doute un peu esthète. C’est une chatte, d’ailleurs : elle en a beaucoup vu, elle sait beaucoup de choses. Et notamment que lorsque le soleil tape,Quand l’ombre est rouge sous les rosesEt clair le temps…il n’est rien de tel que de sommeiller paisiblement à l’ombre d’un rosier en fleur, loin de tout tracas mesquin…Méprisant souverainement l’impudence du chaton qui voudrait bien jouer avec elle, et qui va jusqu’à lui attraper la queue à l’occasion (sacrilège !) avant de s’aplatir en signe de soumission lorsqu’elle lui répond en soufflant, agitée d’une indignation réelle ou feinte, elle se dirige à pas lents vers le rosier et y retrouve sa place favorite. Elle s’y retourne quelques instants, s’y allonge, puis s’assoupit tranquillement, une patte sur le nez, sous le foisonnement des lourdes tiges fleuries qui l’ombragent de leur dais velouté, et sans s’inquiéter le moins du monde des épines. C’est ainsi qu’elle passe sereinement le plus clair de ses après-midis. Parfois, pour mieux manifester sa satisfaction, elle ronfle.Et qu’y a-t-il de meilleur dans la vie que de siroter une boisson fraîche, au fond d’un transat et à l’abri du soleil ardent, en contemplant le chat, endormi en toute confiance sous une profusion de roses rouges et le ciel limpide du mois d’août ?Prends garde, ami, prends garde à la douceur des choses…
Posté(e) 3 juillet3 juil. Semeur d’échos comment_200244 Cet écrit est un charmant hommage à la douceur du quotidien à travers la description de cette scène d’été. L'humour y est apprécié, naturellement. La chute toute en finesse de ce poème en prose conduit à s'interroger sur bien des choses....
Posté(e) 3 juillet3 juil. Correcteur comment_200258 Il y a 3 heures, Jackass a écrit :Prends garde, ami, prends garde à la douceur des choses…Prends garde à toi ! La fleur que tu m'avais jetéeDans ma prison, m'était restéeFlétrie et sèche, cette fleurGardait toujours sa douce odeur
Posté(e) 3 juillet3 juil. Semeur d’échos comment_200285 Locus amoenus, petite image d'un paradis qui ne dure pas - c'est peut-être le sens de la conclusion? Très jolie, cette évocation, à la fois poétique et familière. Même sans La Fontaine, nos amies les bêtes (comme on les appelle) nous édifient.
Posté(e) 5 juillet5 juil. Semeur d’échos comment_200436 Les moments d’extrême quiétude, comme ceux-ci, excellemment décrits, portent toujours en eux l’angoisse de leur caractère temporaire, le sens de la chute :Le 03/07/2025 à 10:03, Jackass a écrit :Prends garde, ami, prends garde à la douceur des choses…
Posté(e) 6 juillet6 juil. Auteur comment_200443 Bon, au moins j'ai été compris, manifestement, et c'est très bien résumé par @Jeep , je n'ai quasiment rien à ajouter. J'aurais peut-être juste dit "inquiétude" au lieu de "angoisse". Ceci dit, le poème originel de Toulet est absolument magnifique, à mon avis.